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5356. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
1er auguste.

Ô anges de lumière ! voici donc ce que M. de Thibouville me mande sous votre cachet :

« Mais j’aurai bien autre chose encore. Oui, oui, oui, j’en sais plus que je n’en dis, peut-être plus que vous-même, qui me tenez rigueur, entendez-vous ? Mon Dieu ! que cela sera beau ! »

Il en sait plus qu’il n’en dit, donc il a lu mes roués[1] ; il en sait plus que moi, donc il sait votre sentiment sur mes roués, que je ne sais pas encore. Il est donc dans la bouteille ; vous lui avez donc fait jurer de garder le secret : ce secret est essentiel ; c’est en cela que consiste tout l’agrément de la chose. Figurez-vous quel plaisir de donner cela sous le nom d’un adolescent sortant du séminaire. Comme on favorisera ce jeune homme, qui s’appelle, je crois, Marcel ! Voilà la vraie tragédie, dira Fréron. Les soldats de Corbulon[2] diront : Ce jeune homme pourra un jour approcher du grand Crébillon ; et mes anges de rire. Si on siffle, mes anges ne feront semblant de rien ; quoi qu’il arrive, c’est un amusement sûr pour eux, et c’est tout ce que je prétendais.

Mais me voici à présent bien loin de la poésie et de cette niche que vous ferez au public. Mon procès me tourmente[3]. Je prévois une perte de temps effroyable. Si je peux parvenir à raccrocher cette affaire au croc du conseil, dont on l’a décrochée, je suis trop heureux. Elle y pendra longtemps, et j’aurai toujours le plaisir de me moquer d’un homme d’église ingrat et chicaneur. Il y a un siècle que je n’ai reçu des nouvelles de mon frère Damilaville ; je ne sais plus comme le monde est fait.

Respect et tendresse,


5357. — DE M. DE BRETEUIL[4],
ministre plénipotentiaire en russie.
Paris, ce 1er août 1763.

J’étais parti de Russie, monsieur, quand la lettre dont vous m’avez honoré y a été apportée par M. Féronce ; elle m’a été renvoyée ici depuis

  1. Voyez page précédente.
  2. Voyez la note 2, tome XXXVII, page 406.
  3. Pour une dîme ; voyez ci-après la lettre à Damilaville, du 13 auguste.
  4. Éditeurs, Bavoux et François. — La lettre de Voltaire, à laquelle M. de Breteuil répond en termes si aimables, n’a malheureusement pas été retrouvée. (A. F.)