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5336. — À M. DEBRUS[1].
12 juillet.

On me mande, monsieur, que les pièces du procès sont arrivées, et que ce Pilate de procureur général n’a jamais voulu qu’on produisît les requêtes que l’innocent Calas avait présentées pour faire entendre des témoins en sa faveur. Je vous jure que ma vivacité pour cette affaire ne se ralentira jamais. Faites-moi l’amitié de me communiquer toutes les nouvelles que vous aurez ; il n’y a qu’à les envoyer chez M. Souchai, je vous les rendrai toujours le jour suivant.

Mille compliments à vous et à vos amis.


5337. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
13 juillet.

Eh ! qui vous a dit, mes divins anges, que je brochais un drame ? Je vous ai dit que le sang me bouillait ; mais que de raisons de le faire bouillir quand je considère tout ce qui se passe dans ce monde ! Si mon pot bout, cela ne dit pas qu’il y ait une tragédie dedans ; mais s’il y en avait une, vous seriez ardemment conjurés de ne la donner jamais sous mon nom. Soyez pleinement convaincus que le public ne se tournera jamais de mon côté, quand il verra que je veux paraître toujours sur la scène : on se lasse de voir toujours le même homme. On siffla douze fois Pierre Corneille après sa Rodogune, dont on avait passé bénignement les quatre premiers actes. Voilà comme sont faits les hommes, et surtout les gens de mon pays. Si on eut un enthousiasme extravagant pour l’extravagante et barbare pièce de ce vieux fou de Crébillon, ce fut parce qu’il était misérable, parce qu’il avait été vingt ans[2] sans rien donner, et surtout parce qu’on voulait m’humilier. Je n’ai donné Olympie qu’à cause des remarques, qui peuvent être utiles aux gens de bien ; c’est pour avoir le plaisir de parler du beau Livre des Rois, et pour mettre dans tout son jour l’abomination du peuple de Dieu, que j’ai permis que Colini imprimât la pièce. Je ne perds pas une occa-

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Catilina avait été jouée le 12 décembre 1748, vingt-deux ans et huit mois après Pyrrhus, dont la première représentation est du 29 avril 1726.