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avez gratifié Paris[1] ne m’avait pas trompé. Je ne me plains que de la peine que m’ont faite mes pauvres yeux en la lisant ; mais le plaisir de l’esprit m’a bien consolé des tourments de mes yeux. Je viens de relire l’Arventuriecre onorato, il Cavaliero di buon gusto, et la Locandiera[2]. Tout cela est d’un goût entièrement nouveau, et c’est, à mon sens, un très-grand mérite dans ce siècle-ci. Je suis toujours enchanté du naturel et de la facilité de votre style. Que j’aime ce bon et honnête aventurier ! que je voudrais vivre avec lui ! il n’y a personne qui ne voulût ressembler au cavaliero di buon gusto, et je suis toujours près de demander au marquis de Forlipopoli sa protection. En vérité, vous êtes un homme charmant.

Quand j’aurai l’honneur de vous faire parvenir mes rêveries, qui ne sont pas encore tout à fait prêtes, je ferai avec vous le marché des Espagnols avec les Indiens : ils donnaient de petits couteaux et des épingles pour de bon or.

Je reçois quelquefois des lettres de Lélius Albergati, l’ami intime de Térence. Heureux ceux qui peuvent se trouver à table entre Térence et Lélius !

Bonsoir, monsieur ; je vous aime et vous estime trop pour faire ici les plats compliments de la fin des lettres.


5285. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 mai.

Encore un mot, mes anges exterminateurs. J’écris[3] à MM. de Meinières et de Chauvelin pour les remercier de la bonté qu’ils ont : voilà déjà un devoir de rempli pour la prose.

À l’égard des vers, j’ai toujours oublié de vous dire que j’avais fait quelques changements dans Zulime, pour la tirer, autant qu’il est possible, du genre médiocre.

Quand il vient une idée, on s’en sert, et on remercie Dieu : car les idées viennent, Dieu sait comment. J’ai beau rêver à Olympie, je suis à sec. Point de grâce à rendre à Dieu. Je dédie Zulime à Mlle Clairon ; mais, dans ma dédicace, je suis si fort de l’avis de l’intendant des Menus contre l’abbé Grizel[4], que je doute fort que cette brave dédicace[5] soit honorée de l’approbation d’un

  1. l’Amour paternel ; voyez lettre 5198.
  2. Comédies de Goldoni.
  3. Ces deux lettres sont perdues.
  4. Voyez tome XXIV, page 239.
  5. Cette dédicace ne nous est point parvenue.