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croître dans votre jardin ; on y sème ensuite ce qui paraît le plus convenable. C’est un grand point d’avoir secoué le joug de l’erreur et de savoir bien positivement ce qui n’est pas. On peut tranquillement ignorer alors ce qui est, et s’en tenir au plus vraisemblable, jouir doucement de la vie, et attendre la mort sans crainte.

Je suis très-affligé de l’interruption de votre voyage et des raisons qui vous ont retenu. Je me serais fait un plaisir bien sensible de vous embrasser, et de raisonner avec vous de philosophie. Si vous voulez y joindre un peu de physique, je vous supplierai d’y joindre votre remède pour les bœufs malades. Si vous avez aussi quelque secret pour la vieillesse et pour la faiblesse, je vous prie d’en gratifier un vieillard qui vous aime de tout son cœur.


5283. — À M. DAMILAVILLE.
9 mai.

C’est pour vous confirmer, mon cher frère, que je ne peux me dispenser d’attendre les remarques que M. d’Argental a eu la bonté de me promettre de la part de M. le président de Meinières et de M. l’abbé de Chauvelin. Je dois certainement attendre ces remarques, et y déférer ; ils sont instruits, et ils veulent bien m’instruire : c’est à moi de profiter de leurs lumières, et de les remercier. L’enchanteur Merlin n’a donc qu’à tenir bien renfermés tous les grimoires que les frères Cramer lui ont envoyés : il n’y perdra rien ; on pourra même, pour plus de facilité, imprimer à Paris les deux chapitres qu’il faudra corriger. Il serait bon que le nom de ce Merlin fût absolument ignoré de tout le monde ; il faut qu’il soit le libraire des philosophes : cette dignité peut mener un jour à la fortune ou au martyre ; ainsi il doit être invisible comme les rose-croix.

Plus je vieillis, et plus je deviens implacable envers l’infâme ! quel monstre abominable ! J’embrasse tendrement tous les frères.

Dites-moi, je vous en conjure, des nouvelles du paquet que je vous ai adressé pour M. le comte de Bruc ; si vous ne l’avez pas reçu, il est important que vous le redemandiez, et M. Janel vous le fera remettre sans doute en payant. M. d’Alembert ne vous a-t-il pas fait remettre six cents livres ? Je crois que je vous en dois davantage pour le payement des livres que vous avez eu la bonté de me faire avoir.