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4834. — À M. DAMILAVILLE.
8 février.

Cher frère que le Dieu de nos pères m’a donné, lisez cette lettre[1] à cachet volant, et envoyez-la.

Puisqu’il n’y a eu que neuf représentations, il faut, mon cher frère, en donner tout le profit à frère Thieriot ; je trouverai d’ailleurs le moyen de récompenser la personne qui devait partager. Je ne vois pas sur quoi l’on s’obstine à me croire l’auteur de l’Ècueil du Sage, puisque j’ai toujours mandé que je ne le suis pas. Si les comédiens avaient une certitude que cette pièce est de moi, ils seraient très-fâchés que j’en eusse abandonné le profit à d’autres qu’à eux. Au reste, Nanine n’eut pas tant de représentations, et le Droit du Seigneur vaut mieux que Nanine.

Ô le bon livre que le Manuel[2] des monstres inquisitoriaux ! ut, ut, est. Mon frère aura un Meslier[3] dès que j’aurai reçu l’ordre : il paraît que mon frère n’est pas au fait. Il y a quinze à vingt ans qu’on vendait le manuscrit de cet ouvrage huit louis d’or. C’était un très-gros in-4o ; il y en a plus de cent exemplaires dans Paris. Frère Thieriot est très au fait. On ne sait qui a fait l’Extrait ; mais il est tiré tout entier, mot pour mot, de l’original. Il y a encore beaucoup de personnes qui ont vu le curé Meslier : il serait très-utile qu’on fît une édition nouvelle de ce petit ouvrage à Paris ; on peut la faire aisément en trois ou quatre jours. On dit, mes chers frères, qu’on y a imprimé une petite feuille intitulée le Sermon du rabbin Akib[4]. M. le duc de La Vallière, qui est ramasseur de rogatons, me prie de chercher cette feuille, que je ne peux trouver. Il est expédient que mes frères l’envoient à Versailles, à M. le duc de La Vallière. Au reste, il est bien à désirer que le nom du frère ermite ne soit jamais prôné quand il s’agit de petits envois aux frères.

Les frères Cramer supprimeront soigneusement la préface de l’Oriental[5]. Helvétius est véhémentement soupçonné d’avoir fait cet ouvrage. Est-il à Paris, frère Helvétius ?

Je voudrais savoir quel est l’auteur d’un libelle de l’année passée, oublié cette année-ci, intitulé le Citoyen de Montmartre[6].

  1. La lettre à Mme de Fontaine, du même jour, n° 4833.
  2. Le Manuel des Inquisiteurs ; voyez la note, tome XXV, page 105.
  3. Extrait des Sentiments de J. Meslier : voyez tome XXIV, page 293.
  4. Voyez tome XXIV, page 277.
  5. Voyez la note, page 25.
  6. Les Pensées philosophiques d’un citoyen de Montmartre sont de 1756. L’ouvrage est du Père Sennemaud, jésuite.