Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir laissé entrevoir un air d’ironie sur des choses très-ridicules.

Entre nous, y aurait-il rien de plus tyrannique et de plus absurde que d’oser condamner un homme pour avoir représenté le roi comme un père qui veut mettre la paix entre ses enfants[1] ? Voilà le précis de toute la conduite du roi. J’ai rendu gloire à la vérité, et cette vérité n’a point été souillée par la flatterie. La cour peut ne m’en pas savoir gré ; mais, de bonne foi, le parlement ferait-il une démarche honnête de rendre un arrêt contre un miroir qui le montre à la postérité ? miroir qu’il ne cassera pas, et qui est d’un assez bon métal. Ne saura-t-on pas que c’est la vérité qui l’a indisposé personnellement ? et quand il condamnera le livre en général, quel homme ignorera qu’il n’a vengé que ses prétendues injures particulières ? Je n’ai d’ailleurs rien à craindre du parlement de Paris, et j’ai beaucoup à m’en plaindre. Il ne peut rien ni sur mon bien ni sur ma personne. Ma réponse est toute prête, et la voici :

Il y avait un roi de la Chine qui dit un jour à l’historien de l’État : « Quoi ! vous voulez écrire mes fautes ? — Sire, répondit le griffonnier chinois, mon devoir m’oblige d’aller écrire tout à l’heure le reproche que vous venez de me faire. — Eh bien donc, dit l’empereur, allez, et je tâcherai de ne plus faire de fautes, etc., etc. »

Mais s’il est vrai que j’aie altéré des faits et des dates, j’ai beaucoup d’obligation à M. l’abbé de Chauvelin et à M. le président de Meinières. Ces dates et ces faits ont été pris dans tous les journaux du temps, et même dans la Gazette ecclésiastique[2], qui certainement n’a pas eu envie de déplaire au parlement. J’attends avec empressement l’effet des bontés de MM. de Meinières et de Chauvelin ; et je corrigerai les chapitres concernant les billets de confession et la cessation de la justice. J’avoue que j’aurai bien de la peine à louer ces deux choses ; elles me paraissent absurdes, comme à toute la terre. Je m’en rapporte à votre ami M. le duc de Praslin ; je m’en rapporte à vous, mes anges. Vous savez votre histoire de France ; il y a eu des temps plus funestes ; mais y en a-t-il eu de plus impertinents ? Je vou-

  1. Dans le tome VIII de l’édition de l’Histoire générale, 1761-1763 (chap. lix de la Suite, page 306) on lisait : « Dans ces troubles, Louis XV était comme un père occupé de séparer ses enfants qui se battent. » Le chapitre où cette phrase se trouvait est devenu le xxxvi du Précis du Siècle de Louis XV ; voyez tome XV, page 380.
  2. Le vrai titre est Nouvelles ecclésiastiques : voyez page 467.