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et huit huitièmes font deux preuves complètes ; et ils donnent à des ouï-dire le nom de quarts de preuve et de huitièmes.

Que dites-vous de cette manière de raisonner et de juger ? Est-il possible que la vie des hommes dépende de gens aussi absurdes ? Les têtes des Hurons et des Topinambous sont mieux faites.

Pour notre ami Pompignan, les preuves de son ridicule sont complètes. Je vous répète que cet homme serait bien dangereux s’il avait autant de pouvoir que d’impertinence. Je sais de très-bonne part qu’il ne vint à Paris que dans le dessein de se faire valoir auprès de la cour en persécutant les philosophes. Les quarts de plaisanterie qui sont dans la Relation du voyage de Fontainebleau, et les huitièmes de ridicule dont l’hymne est parsemé, seront pour lui un affublement complet. Cet homme voulait nuire, et il ne fera que nous réjouir.

Vous m’avez promis quelques articles de l’Encyclopédie ; je les attends comme les articles de mon symbole.

Buvez, mes très-chers frères, à la santé de votre vieux frère V.


5246. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
24 mars.

La lettre de mes anges, du 15 de mars, est vraiment un bien bon ouvrage ; mais je voudrais qu’on leur donnât par plaisir à commenter Othon, la Toison d’or et Sophonisbe, etc., etc. ; la patience leur échapperait comme à moi ; et si, pour se consoler, ils relisaient Iphigénie, ils se mettraient à genoux devant Jean Racine.

Que m’importe que Pierre soit venu avant ou après ? Cela n’entre pour rien dans mes plaisirs ou dans mes dégoûts ; c’est l’ouvrage que je juge, et non l’homme. Je veux que Pierre ait cent fois plus de génie que Jean ; Pierre n’en est que plus condamnable d’avoir fait un si détestable usage de son génie dans la force de son âge. Je ne peux me plaindre de la bonté avec laquelle vous parlez d’un Brutus et d’un Orphelin ; j’avouerai même qu’il y a quelques beautés dans ces deux ouvrages ; mais encore une fois, vive Jean ! Plus on le lit, et plus on lui découvre un talent unique, soutenu par toutes les finesses de l’art. En un mot, s’il y a quelque chose sur la terre qui approche de la perfection, c’est Jean. Je n’ai commenté Pierre que pour être utile à ma pupille et au public, et je ne peux être utile qu’en disant la vérité.