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5116. — À M. DEBRUS[1].

J’avais oublié cette lettre dans mes papiers ; j’en demande mille pardons à M. Debrus. Je n’ai eu aucune nouvelle de Paris ces jours-ci touchant cette importante affaire. Je persiste toujours à croire le succès infaillible. Dès que je pourrai sortir, j’irai embrasser M. Debrus à tâtons, car je deviens aveugle.


5117. — À M. ***[2].

Je vois bien, monsieur, que les gens de lettres de Paris sont peu au fait des intrigues de la poste. Je reçus avant-hier deux lettres de vous, l’une du 6 décembre, et l’autre du 6 février. Je réponds à l’une et à l’autre.

Je vous dirai d’abord que vos vers sont fort jolis, et qu’il n’appartient pas à un malade comme moi d’y répondre. Vous me direz que j’ai répondu au prétendu abbé Culture ; c’est précisément ce qui me glace l’imagination : rien n’est si triste que de discuter des points d’histoire. Il faut relire cent fatras ; je crois que c’est cette belle occupation qui m’a rendu aveugle. Il a fallu réfuter ce polisson de théologien ; il faut toujours défendre la vérité, et jamais ne défendre son goût.

Je ne connais ni cet Examen de Crébillon, ni la platitude périodique dont vous me parlez. À l’égard des tragédies, je suis très-fâché d’en avoir fait. Racine devrait décourager tout le monde ; je ne connais que lui de parfait, et quand je lis ses pièces, je jette au feu les miennes. L’obligation où j’ai été de commenter Corneille n’a servi qu’à me faire admirer Racine davantage.

Vous m’étonnez beaucoup d’aimer l’article Femme dans l’Encyclopédie. Cet article n’est fait que pour déshonorer un ouvrage sérieux. Il est écrit dans le goût d’un petit-maître de la rue Saint-IIonoré. Il est impertinent d’être petit-maître, mais encore plus de l’être si mal à propos.

Vous me dites, monsieur, dans votre lettre du 6 décembre, que le roi m’a donné une pension de six mille livres. C’est un

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Nous ne savons à qui cette lettre est adressée, ni quelle est sa vraie date. En tout cas, elle est mieux placée à la fin de l’année 1762 qu’à la fin de l’année 1766, où on l’a toujours mise. Voltaire y parle en effet de l’Éloge de Crébillon, qui parut au mois d’août 1762, et de sa pension, qu’on lui avait rendue en janvier de la même année. (G. A.)