Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolument que vous viviez autant que Fontenelle, puisque vos ouvrages vivront plus longtemps que les siens. Pour moi, qui n’ai de droit à une longue vie que la couleur de mon chapeau, je vous promets que je n’oublierai rien pour devenir doyen du sacré-collége ; et si ma santé se dérangeait à un certain point, j’irais chercher chez vous le remède. Je doute que l’art de guérir soit aussi sûr que l’art de plaire. Adieu, mon cher confrère ; aimez-moi toujours un peu.

J’ai fait passer votre paquet à notre secrétaire perpétuel[1].


5073. — À M. COLINI.
18 octobre.

Mon cher confident de Statira[2], je vous ai assassiné inutilement d’une petite partie des corrections faites à la famille d’Alexandre. Une tragédie ne se jette pas au moule : cela demande un temps prodigieux.

Je ne veux plus en faire, mais je veux vous aimer toujours. V.


5074. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, 26 octobre.

Je crois, mon cher et illustre confrère, avoir fait encore mieux que vous ne me paraissez désirer. Vous me demandiez, il y a huit jours, copie de la lettre que vous m’avez écrite le 29 de mars, et je vous ai envoyé l’original même. Vous me priez aujourd’hui d’envoyer l’original à M. le duc de Choiseul ; vous êtes à portée de le lui faire parvenir, si vous le jugez à propos. Quant à moi, comme il ne m’est rien revenu de sa part sur cette ridicule et atroce imputation qu’on nous fait à tous deux, j’ai supposé qu’il en avait fait le cas qu’elle mérite ; je me suis tenu et me tiendrai tranquille ; et j’ai trop bonne opinion, comme je vous l’ai déjà dit, de l’équité du gouvernement, pour croire qu’il ajoute foi si légèrement à de pareilles infamies. Il faudrait avoir aussi peu de lumière que de goût, et se connaître aussi mal en style qu’en hommes, pour vous croire capable d’écrire une aussi plate et aussi indigne lettre, et moi de la faire courir, de quelque part que je l’eusse reçue ; pour imaginer que vous donniez des éloges à un aussi mauvais poëme que celui du Balai[3], que vous vous déchaîniez indignement contre la majesté royale, dont vous n’avez jamais parlé ni écrit qu’avec le respect qui lui est dû, et que vous vouliez manquer grossièrement et bêtement à des ministres dont vous avez tout lieu de vous louer. Il vous est trop facile, mon cher et illustre maître, de confondre la calomnie, pour être aussi affecté que vous me le paraissez de l’impression qu’elle peut faire.

  1. Duclos.
  2. Personnage d’Olympie.
  3. 1764, in-8o. L’auteur est l’abbé du Laurens.