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dire, pour le coup, que la foi ne trouve pas son compte avec la bonne foi. Par ma foi, c’est un terrible livre, à mon avis, contre l’inf…, que vous haïssez tant. Ce que l’auteur dit entre autres choses, pour expliquer la transsubstantiation (voilà un cruel mot à concevoir et à prononcer) est tout à fait comique : Il prétend qu’au moyen d’une vitesse infinie un corps peut être en plusieurs lieux à la fois, et que moyennant un million de fois plus d’agilité qu’un lévrier, le corps de Jésus-Christ peut se trouver à la fois dans les gaufres de Paris et dans celles de Goa.

Avouez que tous les matins ce pauvre corps-là ne sait à qui entendre, et qu’il doit avoir besoin de repos l’après-midi. Pauvre espèce humaine ! Je serais tenté de dire à l’auteur :


C’est trop peu si c’est raillerie ;
C’en est trop si c’est tout de bon.


Adieu, mon très-cher et très-illustre maître. Comment vont les oreilles et les yeux ?


5056. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
À ferney, le 7 octobre.

Vous n’avez peut-être pas été content, monseigneur, des derniers mémoires que j’ai envoyés à Votre Éminence sur les Calas. Vous avez pu croire que toutes ces brochures étaient des pièces inutiles. Cependant j’ai tant fait que l’affaire est au conseil d’État. Nous avons une consultation de quinze avocats[1]. C’est un grand préjugé en faveur de la cause. La voix impartiale de quinze avocats doit diriger celle des juges.

Je ne vous ai point envoyé Olympie, parce que je l’ai fait jouer, et que, l’ayant vue, je n’ai point du tout été content. J’ai trouvé que Statira s’évanouissait mal à propos. J’ai senti que l’amour d’Olympie n’était pas assez développé, et que les passions doivent être un peu plus babillardes pour toucher le cœur. Je refais donc les trois derniers actes, car je veux mériter votre suffrage, et je persiste à croire qu’il faut se corriger, jusqu’à ce que la mort nous empêche de mieux faire. Nous avons eu dans mon trou une demi-douzaine de pairs, soit Anglais, soit Français. C’est la monnaie d’un cardinal ; mais je ne me console point que vous n’ayez pas eu quelque bonne maladie en Jésus-Christ qui vous ait mené consulter Tronchin. C’est un malheur pour moi que votre bonne santé ; mais je pardonne à Votre Éminence.

  1. Voyez la note, tome XXIV, page 366, n° iv.