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Encore une fois, j’en bénis Dieu, puisque le quiproquo m’a valu vos bontés et vos lumières ; vous m’enchantez et vous m’éclairez. Venez donc voir jouer la pièce ; madame l’ambassadrice, embellissez donc Olympie. Je vais tâcher de rendre son rôle plus touchant, pour le rendre moins indigne de vous. Je suis un bon diable d’hiérophante, pénétré, reconnaissant, attaché pour ma pauvre vie à Vos Excellences.


4804. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 20 janvier.

Mes anges sont terriblement importunés de leur créature. Leur créature considère qu’il faut toujours plus de six semaines pour rapetasser ce qu’on a fait en six jours (comme on l’a déjà confessé).

En toute tragédie, comme en toute affaire, il y a un point principal d’où dépend le succès, et auquel tout doit être subordonné. Ce point principal, dans l’affaire de Cassandre, est qu’il ne soit pas odieux au public, et qu’il le soit horriblement à Statira. Il faut que son amour intéresse ; et, pour qu’il intéresse, il ne faut pas qu’on ait le plus léger soupçon que ce soit un lâche qui ait empoisonné Alexandre. Quelque soin que j’aie pris d’écarter cette idée, je vois qu’elle se loge dans beaucoup de têtes. Mes anges verront le soin que j’ai pris pour prévenir cette fausse opinion par les deux scènes ci-jointes. Il me semble que ces deux scènes écartent toutes les objections qu’on pourrait faire au rôle de Cassandre. Il n’y a plus de reproches à faire qu’à Antipatre son père ; c’est lui qui fit périr son maître, c’est lui qui emmena Olympie en esclavage ; et Cassandre a élevé avec des soins paternels la prisonnière de son père. Rien ne peut plus s’opposer à l’intérêt qu’on doit prendre à lui : il a tout réparé, il a tout fait pour mériter Olympie ; et c’est, à mon sens, un coup de l’art assez singulier que l’empoisonneur du père d’Olympie, et le meurtrier de sa mère, mérite d’être aimé de la fille.

Voici une autre affaire bien importante et bien délicate. Lekain se plaint amèrement de ce qu’un nommé Brizard veut s’appeler Marc-Tulle-Cicéron[1] ; Lekain prétend que c’est lui qui doit être Cicéron, mais il ne lui ressemble point du tout. Ce Cicéron avait un grand cou, un grand nez, des yeux perçants,

  1. Brizard disputait à Lekain le rôle de Cicéron dans Rorne sauvée.