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les spectacles que pour plaire aux prédicants de Genève ; et voilà ces prédicants qui obtiennent qu’on brûle son livre[1], et qu’on décrète l’auteur de prise de corps. Vous m’avouerez que le magot s’est conduit comme un fou. Pour une trentaine de pages qui se trouvent dans un livre inlisible, qui sera oublié dans un mois, je ne vois pas qu’il nous ait fait grand bien. Il s’est borné à dire que les hommes ont pu nous tromper ; et les fripons répondent toujours que Dieu a parlé par la bouche de ces hommes ; et les sots croiront les fripons. Il paraît que le Testament de Jean Meslier[2] fait un plus grand effet : tous ceux qui le lisent demeurent convaincus ; cet homme discute et prouve. Il parle au moment de la mort, au moment où les menteurs disent vrai : voilà le plus fort de tous les arguments. Jean Meslier doit convertir la terre. Pourquoi son évangile est-il en si peu de mains ? Que vous êtes tièdes à Paris ! vous laissez la lumière sous le boisseau[3].

Je ne veux point croire que Palissot ait vingt mille livres de rente ; mais il en a certainement trop ; de pareils exemples découragent. Il ma envoyé sa comédie[4] ; elle est curieuse par la préface et par les notes.

Je suis actuellement occupé d’une tragédie plus importante, d’un pendu, d’un roué, d’une famille ruinée et dispersée, le tout pour la sainte religion. Vous êtes sans doute instruit de l’horrible aventure des Calas à Toulouse. Je vous conjure de crier et de faire crier. Voyez-vous Mme du Deffant et Mme de Luxembourg ? Pouvez-vous les animer ? Adieu, mon grand philosophe. Écrasez l’inf…


4965. — MÉMOIRE DE M. DE VOLTAIRE[5]
du 14 juillet 1762.

Lecture faite des lettres de M. Crommelin du 8 juillet, de celle de Mme Calas du 9 juillet à M. Cathala, et des autres pièces, mon avis est qu’on cherche tous les moyens qui peuvent s’entr’aider

  1. l’Émile.
  2. l’Extrait des sentiments de J. Meslier ; voyez tome XXIV, page 293.
  3. Matthieu, v, 15.
  4. Le Rival par ressemblance, comédie en cinq actes et en vers de Palissot, fut jouée le 7 juin 1762, reprise le 31 décembre 1785, sous le titre de Méprises par ressemblance, et imprimée dans les dernières éditions des Œuvres de l’auteur sous celui de Clerval et Cléon, ou les Nouveaux Ménechmes.
  5. Éditeur, A. Coquerel.