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4359. — À M. SÉNAC[1].
premier médecin du roi.
Aux Délices, 6 décembre.

Ma partie pensante, monsieur, sait tout ce qu’elle vous doit ; elle vous en remercie, elle y sera sensible jusqu’à ce qu’elle ne pense plus. Ma partie animale vous présente les papiers ci-joints, concernant la peste dont nous sommes menacés. Je sais qu’il y a peste et peste. Je ne prétends pas que celle qui dépeuple nos hameaux, dans un coin des Alpes, ait l’insolence de ressembler à celle de Marseille[2] ; je sais qu’il faut se tenir à sa place, mais enfin si on néglige l’objet de ma requête, la chose peut aller loin. Il s’agit de quelques malheureux ; mais ces malheureux, ignorés et délaissés, sont sujets du roi, et il étend ses regards sur les derniers de ses peuples. L’affaire dont il s’agit me paraît du ressort de votre archiàtrie. Si, sans vous compromettre, vous pouvez, monsieur, appuyer notre Mémoire[3], vous aurez le plaisir de faire du bien. Je vous prends là par votre faible. Soyez très-sûr que, si on ne remédie pas au mal, la contagion est à craindre. Nous sommes obligés d’abandonner le château de Ferney immédiatement après l’avoir achevé, et de nous réfugier en terre huguenote. Voyez, monsieur, ce que vous pouvez faire pour nos corps et pour nos âmes, La mienne est celle de votre ancien partisan, qui a l’honneur d’être, avec tous les sentiments qu’il vous doit, monsieur, votre, etc,


4360. — À M. THIERIOT.
8 décembre.

Je n’ai pas un moment à moi, mon cher ami ; je suis, depuis un mois, accablé de travail et d’affaires. Plus on vieillit, plus il faut s’occuper. Il vaut mieux mourir que de traîner dans l’oisiveté une vieillesse insipide ; travailler, c’est vivre.

Quand Mlle Rodogune[4] viendra, elle sera bien reçue. Mme Denis

  1. Voyez tome XL, page 444.
  2. La peste de 1720, dont on ne peut rappeler les ravages sans songer à la charité évangélique de Belsunce. (Cl.)
  3. Il nous est inconnu, (Cl.)
  4. Voltaire, en appelant ainsi Marie Corneille, faisait sans doute aussi allusion à la représentation de RHodogune, donnée par les acteurs de la Comédie française au profit de François Corneille ; voyez une note sur la lettre 4320.