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de savoir s’il est vrai que la cour de France ait amusé pendant deux ans la cour russe d’un mariage du roi avec mon impératrice Elisabeth, alors pauvre princesse, et qui vient d’envoyer huit mille livres pour l’édition de Mlle Corneille. Il est très-certain que M. Campredon en parla très-souvent à mon père. Si cette recherche vous amuse, je vous conjure de vous informer de la vérité.

Cassandre ne va pas mal, il se débarbouille. Mille tendres respects.

Nota bene qu’il y a deux ans que je dis : L’Espagne tombera sur le Portugal[1].


4791. — À M. LE DUC DE CHOISEUL[2],
ministre secrétaire d’état des affaires étrangères.
Aux Délices, 28 décembre 1761.

Monseigneur, vous donnez la bonne année à la France en lui donnant l’Espagne. Cela vaut, ma foi, mieux que le Droit du Seigneur.

Je vous recommande Luc.

Agréez les tendres respects d’un vieux radoteur du pays des Alpes. V.

  1. Ici Beuchot mentionne une lettre à Le Suire. Il la considère comme fabriquée par Le Suire lui-même. Voici cette lettre de Voltaire à Le Suire :

    « Je vous plains beaucoup, monsieur, car vous avez un grand talent, du goût, de la facilité, de l’abondance, de l’imagination. Vous serez probablement l’ornement du siècle que je vais bientôt quitter ; il y a la de quoi être très-malheureux. Vous perdrez le chemin de la fortune, et vous trouverez l’envie, la calomnie, l’hypocrisie sur le chemin de fleurs où vous marchez. Si vous aviez choisi un sujet plus digne de vous, vos vers seraient encore meilleurs. Vous avez le don de penser et de vous exprimer : ce don est très-rare. Permettez-moi de vous dire seulement que plus les sentiments que vous m’exprimez me sont favorables, plus vous devez leur donner de bornes. Le public ne pardonne jamais les longs éloges, et le moins de vers qu’on peut est toujours le meilleur. Votre belle épître mérite d’être perfectionnée. Vous paraissez écrire si facilement que je suis sûr qu’il vous en coûtera peu pour donner la dernière main à votre ouvrage. Rendez-le court et correct, il sera charmant. Si je n’étais pas accablé de soins et de maladies, je vous répondrais autrement qu’en prose ; et si je pouvais vous être utile, je serais charmé de vous marquer avec combien de reconnaissance j’ai l’honneur d’être, etc. » — La pièce de Le Suire dont il est question dans la lettre est intitulèe Épître à M. de Vollaire, 1761, in-8o. Ce pauvre et fécond écrivain, mort le 18 avril 1815, à soixante-quinze ans, avait fait de même pour une lettre de J.-J. Rousseau, du 7 avril 1767, dont M. de Musset-Pathay a fait justice en la retranchant des Œuvres du philosophe de Genève. (B.)

  2. Ch. Nisard, Mémoires et Correspondances historiques et littérairrs : Paris, 1858, page 29.