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l’ouvrage, et qu’avant Pâques tout sera conforme à vos désirs. J’ai donné la préférence au plus grand des Pierre sur notre grand Pierre Corneille, et je vous la donne dans mon cœur sur tous les Mécènes de l’Europe.

J’ai riionneur d’être avec le plus tendre respect, etc.


4755. — À M.  BOURET.
À Ferney, près Genève, 20 novembre.

Vous êtes une belle âme, monsieur, tout le monde le sait, j’en ai des preuves, et je vous dois de la reconnaissance. Monsieur votre frère est une belle âme aussi ; il veut le bien public et celui du roi, qui sont les mêmes.

S’il avait vu le petit pays de Gex que j’ai choisi pour finir mes jours doucement, il n’en croirait pas les faux mémoires qu’on lui a donnés.

1° Les ennemis de notre pauvre petite province en imposent à messieurs les fermiers généraux, en disant que ce pays est peuplé et riche, et que les fonds s’y vendent au denier soixante.

Je suis la cause malheureuse des louanges cruelles qu’on nous donne. Je suis le seul qui, depuis trente ans, ai acheté des terres dans cette province : je les ai achetées trois fois plus cher qu’elles ne valent ; mais de ce que je suis une dupe, il ne s’ensuit pas que le terrain soit fertile.

Je certifie que, dans toute l’étendue de la province, la terre ne rend pas plus de trois pour un : ainsi elle ne vaut pas la culture. Le paysage est charmant, je l’avoue, mais le sol est détestable.

Sur mon honneur, nous sommes tous gueux ; et j’ai l’honneur de le devenir comme les autres pour avoir acheté, bâti, et défriché très-chèrement.

2° Nous manquons d’habitants et de secours. Le pays, qui possédait, il y a soixante ans, seize mille habitants et seize mille bêtes à corne, n’en a plus guère que la moitié. Nous sommes tous obligés de faire cultiver nos terres par des Suisses et par des Savoyards, qui emportent tout l’argent du pays. Donnez-nous quelque facilité, le pays se repeuplera, et les fermes du roi y gagneront.

3° Je peux vous assurer, monsieur, vous et messieurs vos confrères, que trois Genevois étaient déjà prêts à acheter des domaines dans le pays, sur la nouvelle que le conseil de Sa