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pauvres de la Miséricorde ou à un couvent de capucins. Je vous aurais à coup sur donné comme présent quelques voies de bois de chauffage si vous me les aviez demandées comme telles. Mais j’aurais cru vous insulter par une offre de cette espèce. Mais enfin, puisque vous ne le dédaignez pas, je vous le donne, et j’en tiendrai compte à Baudy, en par vous m’envoyant la reconnaissance suivante :


Je soussigné François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, seigneur de Ferney, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, reconnais que M. de Brosses, président du parlement, m’a fait présent de … voies de bois de moule, pour mon chauffage, en valeur de 281 francs, dont je le remercie.

À … , ce …


À cela près, je n’ai aucune affaire avec vous. Je vous ai seulement prévenu que je me ferais infailliblement payer de Baudy, qui se ferait infailliblement payer de vous. Je l’ai fait assigner, il vous a fait assigner à son tour. Voilà l’ordre et voilà tout. De vous à moi il n’y a rien, et faute d’affaires point d’arbitrage. C’est le sentiment de monsieur le premier président, de M. de Ruffey, et de nos autres amis communs que vous citez, et qui ne peuvent s’empêcher de lever les épaules en voyant un homme si riche et si illustre se tourmenter à tel excès pour ne pas payer à un paysan 280 livres pour du bois de chauffage qu’il a fourni. Voulez-vous faire ici le second tome de l’histoire de M. de Gauffecourt, à qui vous ne vouliez pas payer une chaise de poste que vous aviez achetée de lui ? En vérité, je gémis pour l’humanité de voir un si grand génie avec un cœur si petit, sans cesse tiraillé par des misères de jalousie ou de lésine. C’est vous-même qui empoisonnez une vie si bien faite d’ailleurs pour être heureuse. Lisez souvent la lettre de M. Haller[1], elle est très-sage.

Votre grand cheval de bataille, à ce qu’il me paraît, est que Baudy n’est pas acheteur des bois, mais facteur rendant compte. Quand cela serait, que vous importe ? Et qu’avez-vous à voir aux conventions entre lui et moi ? Lui devez-vous moins la livraison comme acheteur ou comme facteur ? Démêlez-vous avec lui du prix et de la quantité : car ce sont des choses que j’ignore parfaitement. Je sais seulement, et je vous dis, moi, qu’il y a eu un marché de vente. Je ne l’ai pas vu depuis, et ne sais pas trop ce qu’il contient. Il est resté là-bas entre leurs mains, soit de Girod, soit de Baudy. J’ai autre chose à faire que de me mêler de ces détails. Je ne sais comment ils l’exécutent entre eux. Que ce soit par vente en bloc ou par factorerie à tant par moule, rien ne vous est plus indifférent. Je ne connais, ni de nom, ni de fait, un seul des gens à qui Baudy a livré pour des sommes considérables : j’aurais beaucoup à faire d’aller les rechercher l’un après l’autre. Je ne connais, qu’à la vue du compte qu’on me rend, la quantité vendue et l’argent auquel il monte.

S’il ne s’y trouve pas, Baudy va le chercher près de ceux qui le lui doivent pour parfaire son compte. Rien de plus simple. Il ne faut point de

  1. Lettre 3782.