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Eh bien, rien de décidé sur l’amiral Berryer ? Et le roi d’Espagne, épouse-t-il[1] ? traite-t-il[2] ?

M. le duc de Choiseul m’a envoyé des reliques de Rome. Si je ne réussis pas dans ce monde, mon affaire est sûre dans l’autre.

Je reçus le même jour les reliques et le portrait de Mme  de Pompadour, qui m’est venu par bricole.

Voilà bien des bénédictions ; mais j’aime mieux celles de mes anges.

Mlle ’Corneille joue vendredi Isménie dans Mèrope. N’est-ce pas une honte que nos histrions fassent jouer ce rôle par un homme[3], et qu’ils suppriment les chœurs dans Œdipe ? Les barbares !


4710. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Saint-Marcel, 13 d’octobre.

Je ne suis point ingrat, mon cher confrère ; j’ai toujours senti et avoué que les lettres m’avaient été plus utiles que les hasards les plus heureux de la vie. Dans ma plus grande jeunesse, elles m’ont ouvert une porte agréable dans le monde ; elles m’ont consolé de la longue disgrâce du cardinal de Fleury et de l’inflexible dureté de l’évêque de Mirepoix[4]. Quand les circonstances m’ont poussé comme malgré moi sur le grand théâtre, les lettres ont fait dire à tout le monde : Au moins celui-là sait lire et écrire. Je les ai quittées pour les affaires, sans les avoir oubliées, et je les retrouve avec plaisir.

Vous me souhaitez des indigestions ; cela n’est guère possible aujourd’hui : il y a douze ans que je suis fort sobre ; mais j’ai une humeur goutteuse dans le corps, qui n’est pas encore bien fixée aux extrémités, et qui pourrait bien m’obliger d’aller consulter l’oracle de Genève. Dans cette consultation, il entrerait autant de désir de vous revoir que d’envie de guérir. Envoyez-moi votre Épître sur l’Agriculture. Je ne bâtis point, mais je répare mon vieux château de Vic-sur-Aisne ; je plante mon jardin et les bords de mes prés : voilà toutes les dépenses que l’état de mes revenus me permet. Au lieu de deux cent mille livres de revenu que vous me donnez, j’en

  1. Charles III, veuf depuis le 27. septembre 1760, ne se remaria pas.
  2. Le parte de famille du 15 août avait été ratifié le 8 septembre, mais n’était pas encore publié.
  3. Voyez tome IV, pape 176.
  4. Ce prélat, nommé Boyer, qui a été si ridiculisé par Voltaire, avait ce que l’on appelait la feuille des bénéfices, c’est-à-dire la présentation pour les abbayes et autres revenus ecclésiastiques. Ce n’est pas lui, mais le cardinal de Fleury qui, aux sollicitations de l’abbé de Bernis, répondit : « Non. monsieur l’abbé, vous n’aurez rien tant que je vivrai ; » à quoi Bernis répliqua : « Eh bien, monseigneur, j’attendrai. » (B.)