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en Europe, et que la Vie de Pierre le Grand trouvera plus de lecteurs. Mon espérance est fondée sur l’attention scrupuleuse avec laquelle l’Académie française revoit mon ouvrage. C’est un moyen sûr de fixer la langue, et d’éclaircir tous les doutes des étrangers. On parlera le français plus facilement, grâce aux soins de l’Académie ; et la langue dans laquelle Pierre le Grand sera célébré comme il le mérite en sera plus agréable à toutes les nations. Je me hâte de dépêcher le Cid et Cinna, afin d’être tout entier à Pultava et à Pétersbourg. Je ne demande que trois mois pour achever le Corneille, après quoi tout le reste de ma vie est à Pierre le Grand et à vous,


4684. — À M.  TRONCHIN, DE LYON[1].
19 septembre 1761.

J’ai donc chez moi Mlle  Chimène et Rodogune. L’emploi des coupons et d’une somme d’argent égale sera un bien petit objet, et je n’oserais pas mettre si peu de chose sur la tête de la parente de Corneille. Mais puisque vous croyez la chose convenable, on peut toujours lui faire ce léger avantage. Ainsi les faiseurs joindront le nom de Corneille à celui de Voltaire. Mais j’ai entrepris autre chose. Je veux faire une édition de Pierre Corneille en faveur de sa petite-fille. C’est une entreprise qui ne laisse pas d’être une affaire de finance un peu délicate. Il faudra que je fasse les avances de l’édition. Cela ira à 40,000 livres. Les vers sont un objet de commerce plus gros qu’on ne pense. J’espère en venir à bout avec le secours des bontés du roi, qui daigne donner 10,000 livres, soit la valeur de deux cents exemplaires. Tous les princes ont suivi cet exemple. M. de Richelieu en prend vingt ; M. le duc de Choiseul, vingt, etc., etc. M. Bertin, contrôleur général, est le seul à la cour qui ne s’intéresse pas aux souscriptions que je fais faire. Il ne m’a pas seulement répondu. Mais il faudra bien que ce contrôleur-là paye les souscriptions royales, et le temps n’est pas des plus favorables. Si Dieu nous donnait la paix, cette édition de Corneille serait une fortune pour Mlle  Corneille ; mais elle me paraît bien éloignée. Ils ont dit : La paix ! la paix ! et il n’y a point de paix. Et ce fou de Diogène Rousseau propose la paix perpétuelle. Nous ne pouvons faire que la paix la plus humiliante ou la guerre la plus ruineuse. Mille familles sont ruinées. Il est vrai que je bâtis, que je fais des

  1. Revue suisse, 1855, page 661.