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y verrez des choses bien singulières, et, entre autres, l’extrait d’un livre indien qui est peut-être le plus ancien livre qui soit au monde. J’ai envoyé le manuscrit à la Bibliothèque du roi[1] ; je ne crois pas qu’il y ait un monument plus curieux. Quand vous m’aurez rendu mes cinq cahiers, je vous en choisirai d’autres. Cette nouvelle édition ne m’empêche pas de travailler à Pierre Corneille. J’espère, en consultant l’Académie, faire un ouvrage utile. Je me sens déjà toute la pesanteur d’un commentateur.

Ce n’est pas seulement, madame, parce que je possède le don d’ennuyer, comme tous ces messieurs, que je vous écris une si courte lettre, mais c’est réellement parce que je n’ai pas un moment de loisir. Comptez qu’il n’y a que la retraite qui soit le séjour de l’occupation. Si mes travaux pouvaient contribuer à vous délasser quelques moments, je serais encore plus pédant que je ne suis.

Vous me demandez ce que sera le Commentaire de Corneille : il sera une bibliothèque de douze à treize volumes avec des estampes ; il ne coûtera que deux louis, parce que je veux que les pauvres connaisseurs le lisent, et que les rois le payent.

Adieu, madame, supportez la vie et le siècle. Quand vous vous faites lire, ayez soin qu’on vous lise d’abord les notes marginales qui indiquent les matières ; vous choisissez alors ce qu’il vous plaît, et vous évitez l’ennui.

Je vous demande un peu d’attention pour l’Ézour-Veidam.

Mille tendres respects.


4678. — À M. PIERRE ROUSSEAU,
à bouillon.
Château de Ferney, en Bourgogne, par Genève, 10 septembre.

Je ne connais pas plus, monsieur, la lettre de M. de Formey[2] que l’de sur la guerre[3]. Cette ode me paraît d’un homme de génie ; mais il y a trop de fautes contre la langue. Elle commence par des idées très-fortes, peut-être trop fortes, mais elle ne se soutient pas. Elle est d’un étranger qui a beaucoup d’esprit. Voici

  1. Voyez la lettre 4608.
  2. Sans doute celle qui est imprimée tome XXIV, page 433, et qui est bien de Voltaire. Cette lettre serait, en ce cas, de 1761 et non de 1762.
  3. Cette ode est de Borde. Le Journal encyclopédique du 1er août 1761, dans lequel on trouve cette ode, dit qu’elle a été attribuée à un illustre auteur, qui la désavoue.