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donnera à mon ouvrage un poids et une autorité qu’il n’aurait jamais, si je ne m’en rapportais qu’à mes faibles lumières. Je n’aurais jamais entrepris un ouvrage si épineux, si je n’avais compté sur les instructions de mes confrères.

Venons à ma lettre du 20 auguste ; elle était pour vous seul : je la dictai fort vite ; mais si vous trouvez qu’elle puisse être de quelque utilité, et qu’elle soit capable de disposer les esprits en faveur de mon entreprise, je vous prie de la donner à frère Thieriot. J’ai peur qu’il n’y ait quelques fautes de langage. On pardonne les négligences, mais non pas les solécismes ; et il s’en glisse toujours quelques-uns quand on dicte rapidement. Je me mets entre vos mains à la suite de Pierre, et je recommande l’un et l’autre à vos bons offices, à vos lumières, et à vos bontés.

Adieu, mon cher maître ; votre vieillesse est bien respectable : plût à Dieu que la mienne en approchât ! Vous écrivez comme à trente ans. Je sens combien je dois vous estimer et vous aimer.

Le président de Ruffey, qui est chez moi, vous fait ses compliments.


4667. — DE M.  D’ALEMBERT.
À Paris, ce 8 septembre.

Je ne sais, mon cher maître, si vous avez reçu une lettre que je vous écrivis, il y a quelque temps, de Pontoise. Je vous y parlais, ce me semble, de votre édition de Corneille et de l’intérêt que j’y prenais comme homme de lettres, comme Français, comme académicien, et, encore plus, comme votre confrère, votre disciple et votre ami. Depuis ce temps, nous avons reçu à l’Académie vos remarques sur les Horaces, sur Cinna, et sur le Cid, la préface du Cid, et l’épître dédicatoire. Tout cela a été lu avec soin dans les assemblées, et Duclos nous dit hier que vous aviez reçu nos remarques, et que vous en paraissiez content. N’oubliez pas d’insister plus que vous ne faites dans votre épître sur la protection qu’on accordait aux persécuteurs de Corneille, et sur l’oubli profond où sont tombées toutes les infamies qu’on imprimait contre lui, et qui vraisemblablement lui causaient beaucoup de chagrin. Vous pouvez mieux dire, et avec plus de droit que personne, à tous les gens de lettres et à tous les protecteurs, des choses fort utiles aux uns et aux autres, que cette occasion vous fournira naturellement.

Nous avons été très-contents de vos remarques sur les Horaces ; beaucoup moins de celles sur Cinna, qui nous ont paru faites à la hâte. Les remarques sur le Cid sont meilleures, mais ont encore besoin d’être revues. Il nous a semblé que vous n’insistiez pas toujours assez sur les beautés de l’auteur, et quelquefois trop sur des fautes qui peuvent n’en pas paraître à tout le monde. Dans les endroits où vous critiquez Corneille, il faut que vous ayez si évidemment raison que personne ne puisse être d’un avis contraire ;