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Or, comme un prêtre serait noté d’infamie s’il choquait les bonnes mœurs dans l’église, et qu’un prêtre n’est point infâme en remplissant les fonctions de son état, il est évident que les comédiens ne sont point infâmes par leur état, mais qu’ils sont, comme les prêtres, des citoyens payés par les autres citoyens pour parler en public bien ou mal.

Vous remarquerez que cette déclaration du roi fut enregistrée au parlement.

Il ne s’agit donc que de la faire renouveler. Le roi peut déclarer que, sur le compte à lui rendu par les quatre premiers gentilshommes de sa chambre, et sur sa propre expérience, que jamais ses comédiens n’ont contrevenu à la déclaration de 1641, il les maintient dans tous les droits de la société, et dans toutes les prérogatives des citoyens attachés particulièrement à son service : ordonnant à tous ses sujets, de quelque état et condition qu’ils soient, de les faire jouir de tous leurs droits naturels et acquis, en tant que besoin sera. Le roi peut aisément rendre cette ordonnance, sans entrer dans aucun des détails qui seraient trop délicats.

Après cette déclaration, il serait fort aisé de donner ce qu’on appelle les honneurs de la sépulture, malgré la prêtraille, au premier comédien qui décéderait. Au reste, je compte faire usage des décisions de monsignor Cerati, confesseur de Clément XII, dans mes notes sur Corneille[1].

Venons maintenant aux pièces que vous jouerez cet automne. Vous faites très-bien de commencer par celle de M. Cordier[2] : il ne faut pas lasser le public en le bourrant continuellement des pièces du même homme. Ce public aime passionnément à siffler le même rimailleur qu’il a applaudi ; et tout l’art de Mlle Clairon n’ôtera jamais au parterre cette bonne volonté attachée à l’espèce humaine.

Pour le Tancrède de Prault, il est impertinent d’un bout à l’autre. Pour ce vers barbare[3] :


Cher Tancrède, ô toi seul qui méritas ma foi !


quel est l’ignorant qui a fait ce vers abominable ? quel est l’Allobroge qui a terminé un hémistiche par le terme seul suivi d’un

  1. Voyez tome XXXI, page 519.
  2. Zarukma, tragédie, par l’abbé Edmond Cordier de Saint-Firmin (né à Orléans vers 1730, mort vers 1816, ne fut jouée que le 17 mars 1762.
  3. Voyez tome V, page 566.