souhaite que le Journal de Trévoux ne me fasse pas d’infidélités. Il ne faut pas ressembler au bon David, qui pillait également les Juifs et les Philistins.
Dans cette guerre interminable d’auteurs contre auteurs, de journaux contre journaux, le public ne prend d’abord aucun parti que celui de rire ; ensuite il en prend un autre, c’est celui d’oublier à jamais tous ces combats littéraires. Le gazetier ecclésiastique s’imagine que l’Europe s’occupera longtemps de ses feuilles ; mais le temps vient bientôt où l’on nettoie la maison et où l’on détruit les toiles des araignées. Chaque siècle produit tout au plus dix ou douze bons ouvrages ; le reste est emporté par le torrent du fleuve de l’oubli. Eh ! qui se souvient aujourd’hui des querelles du Père Bouhours et de Ménage ? Et si Racine n’avait pas fait ses tragédies, saurait-on qu’il écrivit contre Port-Royal ? Presque tout ce qui n’est que personnel est perdu pour le reste des hommes.
Sans une demi-douzaine de tragédies, une centaine d’hôtes, une église et un théâtre à bâtir, je vous aurais dit plus tôt, mon cher confrère, combien je vous ai regretté. MM. de Varenne[2] n’ont vu qu’une petite partie de nos travaux que nous appelons amusements. Je vous assure que les affaires les plus sérieuses ne prennent pas plus de temps. Les amusements qui n’en prennent guère sont les petites corrections qu’on inflige aux Pompignan et aux autres impertinents qui, étant à peine gens de lettres, osent vouloir décrier les véritables gens de lettres, calomnier leur siècle et déshonorer la nation. Il faut se moquer des sots et faire trembler les méchants. Je ne crois pas que vous ayez sitôt Tancrède[3] ; vous ne connaissez probablement cette tragédie que par les malsemaines de maître Aliboron dit Fréron : comptez qu’elle ne ressemble point du tout à ce qu’en dit ce polisson. Je l’avais faite à la vérité pour moi, pour les plaisirs de ma campagne. On a voulu la jouer à Paris. J’en ai fait présent aux comé-