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Adieu, madame ; je désespère de vous revoir, mais je vous serai toujours bien respectueusement attaché.

Une grosse fluxion sur les deux yeux me prive de l’honneur de vous écrire de ma main.


4629. — À MADEMOISELLE CLAIRON.
À Ferney, 7 auguste.

Je crois, mademoiselle, que votre zèle pour l’art tragique est égal à vos grands talents. J’ai beaucoup de choses à vous dire sur ce zèle, qui est aussi noble que votre jeu.

J’ai été très-affligé que vos amis aient souffert qu’on ait fait un si pitoyable ouvrage en faveur du théâtre. Si on s’était adressé à moi, j’avais en main des pièces un peu plus décisives que tous les différents ordres dont l’ordre[1] des avocats, des fanatiques, et des sots, a tant abusé contre ce pauvre Huerne. J’ai en main la décision du confesseur du pape Clément XII, décision fondée sur des témoignages plus authentiques que ceux qui ont été allégués dans ce malheureux mémoire. Cette décision du confesseur du pape me fut envoyée il y a plus de vingt ans ; je l’ai heureusement conservée, et j’en ferai usage dans l’édition que j’entreprends de Corneille[2]. Elle sera chargée, à chaque page, de remarques utiles sur l’art en général, sur la langue, sur la décence de notre spectacle, sur la déclamation, et je n’oublierai pas Mlle Clairon en parlant de Cornélie.

Vous avez été effarouchée d’une lettre[3] que j’ai écrite au sujet d’Électre. J’ai dû l’écrire dans la situation où j’étais, et ne prendre rien sur moi ; et je me flatte que vous avez pardonné à mon embarras.

Vous voulez jouer Zulime. J’ai envoyé la pièce, après avoir consumé un temps très-précieux à la travailler avec le plus grand soin. Je vous prie très-instamment de la jouer comme je l’ai faite, et d’empêcher qu’on ne gâte mon ouvrage. Les acteurs sont intéressés à cette complaisance.

  1. Le Discours de Dains (voyez tome XXIV, pages 239-240) commence ainsi : « La discipline de notre ordre, » et finit par ces mots : « Ainsi, messieurs, c’est pour remplir le vœu de l’ordre des avocats que j’ai l’honneur de dénoncer à la cour le livre intitulé Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’excommunication. »
  2. C’est ce qu’il a fait ; voyez tome XXXI, page 519.
  3. Cette lettre, qui parait avoir été adressée au comte de Lauraguais (voyez la lettre 4618), n’est pas encore imprimée. (B.)