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Voici un gros paquet pour notre Académie. Jugez, mes anges ; j’ai autant de foi, pour le moins, à vous qu’à elle.


4628. — À MADAME D’ÉPINAI.
À Ferney, 5 auguste.

J’aurai mon corps-saint, madame, malgré toutes vos bonnes plaisanteries ; et si je n’ai pas un corps entier, j’aurai du moins pied ou aile. Je trouve cette affaire si comique que je la poursuis très-sérieusement ; et j’aurai traité avec le ciel avant que vous vous soyez accommodée avec l’Angleterre.

Puisque vous avez, madame, frère Saurin à la Chevrette, je vous prie de vouloir bien vous charger d’une négociation auprès de lui. Vous savez que malgré les calamités du temps il y a quelques souscriptions en faveur de la race de Corneille. Je ne sais pas encore si nos malheurs ne refroidiront pas bien des gens ; mais je travaille toujours à bon compte. J’ai commenté le Cid, Cinna, Médée, Horace, Pompée, Polyeucte, Hèraclius, Rodogune ; beautés, défauts, fautes de langage, imitation des étrangers, tout est remarqué au bas des pages pour l’instruction de l’ami lecteur. J’ai envoyé à notre secrétaire perpétuel de l’Académie une préface sur le Cid, et toutes les notes sur les Horaces. Je voudrais bien que M. Saurin, mon confrère, voulût aller à l’Académie, et examiner un peu ma besogne ; personne n’est plus en état que lui de juger de cet ouvrage, et il est bon qu’il ait la sanction de l’Académie, à laquelle il sera dédié.

Quelque chose qui arrive à notre pauvre patrie, Corneille sera toujours respectable aux autres nations, et j’espère que mon petit commentaire sera utile aux étrangers qui apprennent notre langue, et à bien des Français qui croient la savoir. Je m’unis toujours aux saintes prières de tous les frères, M. le duc de Villars a pris possession de mes petites Délices ; j’espère qu’il ne lui arrivera pas ce qui vient d’arriver à un beau-frère de M. de La Popelinière, et à un abbé d’Héricourt, conseiller de grand’chambre, qui se sont avisés de venir mourir à Genève pour faire pièce au docteur Tronchin. L’abbé d’Héricourt est une perte, car il était prêtre et conseiller, et malgré cela il n’était ni fanatique ni fripon.

J’ai dans l’idée, madame, que nous n’aurions point perdu Pondichéry si M. Dupleix y était resté ; il avait des ressources, nous n’aurions point manqué de vivres. Cette belle aventure me coûte le quart de mon bien.