Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peut-être que les remarques que l’on mettra au bas de chaque page seront une petite poétique, mais non pas comme Lamotte en faisait à l’occasion de mon Romulus, à l’occasion de mes Macchabées[1]. Ah ! mon ami, défiez-vous des charlatans, qui ont usurpé en leur temps une réputation de passade.

Je vous embrasse en Épicure, en Lucrèce, Cicéron, Platon, e tutti quanti.


4616. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
22 juillet.

M. le président Hénault, madame, m’instruit de votre beau zèle pour Pierre Corneille. Je quitte Pierre pour vous remercier, et je vous supplie aussi de présenter mes remerciements à Mme  de Luxembourg. Je romps un long silence ; il faut le pardonner au plus fort laboureur qui soit à vingt lieues à la ronde, à un vieillard ridicule qui dessèche des marais, défriche des bruyères, bâtit une église, et se trouve entre deux Pierre le Grand : savoir, Pierre Corneille, créateur de la tragédie, et l’autre, créateur de la Russie.

Ce qu’il y a de bon, c’est que Mlle  Corneille n’a nulle part à ce que je fais pour son grand-oncle. Elle n’a pas encore lu une scène de Chimène ; mais cela viendra dans quelques années, et alors elle verra que j’ai eu raison. Maître Le Dain et maître Omer auront beau dire et beau faire, Pierre est un grand homme et le sera toujours, et nous sommes des polissons. Qu’on me montre un homme qui soutienne la gloire de la nation ; qu’on me le montre, et je promets de l’aimer.

Il faut en revenir, madame, au siècle de Louis XIV en tous genres : cela me perce le cœur au pied des Alpes ; et, de dépit, je fais faire un baldaquin, et je lis assidûment l’Écriture sainte, quoique j’aime encore mieux Cinna.

Je joue avec la vie, madame ; elle n’est bonne qu’à cela. Il faut que chaque enfant, vieux ou jeune, fasse ses bouteilles de savon. La Butte-Saint-Roch, et mes montagnes qui fendent les nues, les riens de Paris, et les riens de la retraite : tout cela est si égal que je ne conseillerais ni à une Parisienne d’aller dans les Alpes, ni à une citoyenne de nos rochers d’aller à Paris.

  1. La Motte a donné un Discours sur la tragédie à l’occasion de Romulus, et Discours sur la tragédie à l’occasion des Macchabées, qui sont imprimés avec ces tragédies.