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appelé la Ville chinoise. L’observateur dit que « ce quartier portait ce nom avant qu’on eût la moindre connaissance des Chinois et de leurs marchandises ». J’en appelle à Votre Excellence : comment peut-on appeler quelque chose chinois, sans savoir que la Chine existe ? Dirait-on la valeur russe, s’il n’y avait pas une Russie ?

Est-il possible qu’on ait pu faire de telles observations ? Je serais bien heureux, monsieur, si vos importantes occupations vous avaient permis de jeter les yeux sur ces manuscrits que vous daignez me faire parvenir. L’écrivain prodigue les s, c, k, h, allemands. La rivière que nous appelons Veronise, nom très-doux à prononcer, est appelée, dans les mémoires, Woronestch ; et, dans les observations, on me dit que vous prononcez Voronége : comment voulez-vous que je me reconnaisse au milieu de toutes ces contrariétés ? J’écris en français ; ne dois-je pas me conformer à la douceur de la prononciation française ?

Pourquoi, lorsqu’en suivant exactement vos mémoires, ayant distingué les serfs des évêques et les serfs des couvents, et ayant mis pour les serfs des couvents le nombre de 721,500, ne daigne-t-on pas s’apercevoir qu’on a oublié un zéro en répétant ce nombre à la page 59#1, et que cette erreur vient uniquement du libraire, qui a mal mis le chiffre en toutes lettres ?

Pourquoi s’obstine-t-on à renouveler la fable honteuse et barbare du czar Ivan Basilovitz, qui voulut faire, dit-on, clouer le chapeau d’un prétendu ambassadeur d’Angleterre, nommé Bèze, sur la tête de ce pauvre ambassadeur ? Par quelle rage ce czar voulait-il que les ambassadeurs orientaux lui parlassent nu-tête ? L’observateur ignore-t-il que, dans tout l’Orient, c’est un manque de respect que de se découvrir la tête ? Interrogez, monsieur, le ministre d’Angleterre, et il vous certifiera qu’il n’y a jamais eu de Bèze ambassadeur ; le premier ambassadeur fut M. de Carlisle.

Pourquoi me dit-on qu’au VIe siècle on écrivait à Kiovie sur du papier, lequel n’a été inventé qu’au xiie siècle#2 ?

L’observation la plus juste que j’aie trouvée est celle qui concerne le patriarche Photius. Il est certain que Photius était mort longtemps avant la princesse Olha ; on devait écrire Polyeucte au lieu de Photius : Polyeucte était patriarche de Constantinople[1][2]

  1. La faute est corrigée depuis longtemps ; voyez la note, tome XVI, page 419.
  2. On croit que le papier de linge est du xiie siècle, et le papier de coton du neuvième. (B.)