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mais je ne crois pas que je doive faire un procès à mes chevaux s’ils ruent dans l’écurie que je leur ai fait bâtir.

Pour l’affaire du curé de Moëns[1], la sentence de Gex me paraît ridicule. Je ne sais si vous êtes chargé de cette affaire : je le souhaite au moins, pour apprendre aux curés de ce canton barbare à ne pas employer leur temps à distribuer des coups de bâton aux hommes, aux femmes, et aux petits garçons ; le zèle de la maison du Seigneur ne doit pas aller jusqu’à assommer les gens.

J’ai l’honneur d’être, etc.


4564. — À M.  JEAN SCHOUVALOW.
À Ferney, 8 juin.

Monsieur, votre très-aimable M. Soltikof vient de me régaler d’un gros paquet dont Votre Excellence m’honore. Il contient les estampes d’un grand homme, quelques lettres de lui, et une de vous, monsieur, qui m’est aussi précieuse, pour le moins, que tout le reste. Mon premier devoir est de vous faire mes remerciements, et de vous assurer que je me conformerai à toutes vos intentions. Je bâtis pour vous la maison dont vous m’avez fourni les matériaux ; il est juste que vous soyez logé à votre aise.

Je crois avoir déjà rempli une partie de vos vues, en déclarant que je ne prétendais pas faire l’histoire secrète de Pierre le Grand, et en trompant ainsi la malignité de ceux qui haïssent sa gloire et celle de votre empire. Je sais bien que, dans les commencements, je ne pouvais pas faire taire l’envie ; mais si l’ouvrage est écrit de manière à intéresser les lecteurs, le livre reste, et les critiques s’évanouissent. C’est ce qui est arrivé à l’Histoire de Charles XII, longtemps combattue, et enfin reconnue pour véritable. Le certificat du roi Stanislas[2] ne porte que sur les faits militaires et politiques ; ce certificat est déjà une grande présomption en faveur de la vérité avec laquelle j’écris l’histoire de votre législateur ; et des preuves plus fortes se tireront des mémoires que Votre Excellence daignera me communiquer. Je n’ai pris, dans les mémoires de M. de Bassevitz, et dans ceux que je me suis procurés, que ce qui peut contribuer à la gloire de votre

  1. Voyez tome XXIV, page 161.
  2. Voyez tome XVI, pages 142-143.