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4562. — À M. LEKAIN.
Aux Délices, 2 juin[1].

Mon cher Roscius, vous n’êtes pas heureux, et à vous rien. Et ce privilège[2] ? est-ce moins que rien ? Ne le lâchez point pourtant sans que Prault petit-fils vous paye. Ma santé est bien faible, et il y a grande apparence que je ne serai plus excommunié ; mais, à ma place, vous aurez force jeunes gens qui se damneront volontiers avec vous. Mes respects à maître Le Dain, quand vous le verrez ; pour le sieur Dardelle, c’est un mécréant avec lequel je ne veux avoir aucun commerce. Je vous embrasse de tout mon cœur, et vous exhorte à faire votre salut le plus tôt que vous pourrez. V.


4563. — À M. ARNOULT,
avocat, doyen de l’université, à dijon.
À Ferney, le 5 juin.

J’ai peur, monsieur, de vous avoir fait envisager l’aventure de mon église comme une affaire plus considérable qu’elle ne l’est en effet. Je pense que nous ne serions réduits, le curé, les paroissiens, et moi, à en appeler comme d’abus qu’en cas que notre official de village nous fît signifier quelque grimoire, comme je le craignais dans les premiers mouvements de cette sottise.

J’ai fait venir de Paris le seul livre qui traite, dit-on, de ces besognes : c’est la Pratique de la juridiction ecclésiastique de Ducasse, grand vicaire en son vivant. Ce livre, assez mauvais, ne m’a donné aucune lumière ; et c’est ce qui arrive presque toujours en affaire. Le bruit public, dans le petit pays sauvage de Gex, est qu’on se repent de cette équipée ; mais qui payera les frais de leur procédure ? On ne m’a rien fait signifier ; mais je présume que je n’ai d’autre chose à faire qu’à continuer mon bâtiment. Quand j’aurai achevé mon église, il faudra bien qu’on la bénisse ; et je ne vois pas, quand je suis d’accord avec tous les paroissiens, qu’on puisse me faire de chicane. Je sens bien qu’il est désagréable d’avoir été si mal payé de mes bienfaits ;

  1. C’est à tort que Beuchot a mis cette lettre à l’année 1762 ; elle est de 1761. (G. A.)
  2. Sans doute celui de Tancrède.