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à son père au quatrième acte. Vous avez senti sans doute qu’Aménaïde ne s’emporte que quand son père s’oppose à l’idée d’aller trouver Tancrède ; aussi ces nouveaux emportements, loin de contredire ces vers,


Votre vertu se fait des reproches si grands, etc.,


sont la conduite évidente de ce sentiment. Elle n’ose d’abord dire à son père tout ce qu’elle retient dans son cœur par respect ; et enfin ce respect cède à la douleur. Voilà la marche du cœur humain. Je vous demande en grâce de ne point écouter les fausses délicatesses de tant de mauvais critiques, et de vous en rapporter à votre propre sentiment ; il doit être celui de la nature.

J’ignore encore pourquoi on a dit que votre situation au deuxième acte n’était pas intéressante avec votre père. Tout ce que je sais, c’est que le père a été chez moi très-intéressant à ce second acte. Il pleurait et il faisait pleurer.

J’ai vu aussi l’effet de la fin. Les fureurs d’Aménaïde seraient écourtées (ce qui est le plus grand des défauts) si elle ne repoussait pas son père, à qui elle demande pardon le moment d’après. Les fureurs d’Oreste sont froides, parce qu’Oreste est seul, parce qu’il n’y a point d’objet présent qui cause ces fureurs, parce que ces fureurs ne sont pas nécessaires, parce qu’on s’intéresse très-médiocrement à lui ; c’est ici tout le contraire.

J’aurais bien d’autres choses à vous dire ; mais je crains d’abuser de vos bontés. Il vaut mieux employer mon temps à perfectionner ma pièce qu’à la défendre ; et d’ailleurs, vous avez une autre pièce à jouer. Rien ne réussira que par vous. Recevez, parmi tant d’autres hommages, ceux du vieux Suisse.


4297. — À MADEMOISELLE CLAIRON.
16 octobre.

Belle Melpomène, ma main ne répondra pas à la lettre dont vous m’honorez, parce qu’elle est un peu impotente ; mais mon cœur, qui ne l’est pas, y répondra.

Raisonnons ensemble, raisonnons.

Les monologues, qui ne sont pas des combats de passions, ne peuvent jamais remuer l’âme et la transporter. Un monologue, qui n’est et ne peut être que la continuation des mêmes idées et