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rebondi de M.  le cardinal de Bernis, j’aurai l’honneur de vous envoyer incessamment ma petite tête en perruque naissante. L’original aurait bien voulu venir se présenter lui-même, et renouveler à l’Académie son attachement et son respect ; mais les laboureurs, les vignerons et les jardiniers, me font la loi : e nitido fit rusticus[1]. Comptez cependant que, dans le fond de mon cœur, je sais très-bien qu’il vaut mieux vous entendre que de planter des mûriers blancs.


4521. — À M.  L’ABBÉ D’OLIVET.
À Ferney, tout près de votre Franche-Comté, 10 avril.

Mais, mon maître, est-ce que vous n’auriez point reçu un paquet que je fis partir, il y a trois semaines, à l’adresse que vous m’aviez donnée ? ou mon paquet ne méritait-il pas un mot de vous ? ou êtes-vous malade ? ou êtes-vous paresseux ?

Eh bien ! voilà votre ancien projet de donner un recueil d’auteurs classiques qui fait fortune. Rien ne sera plus glorieux pour l’Académie, ni plus utile pour les Français et pour les étrangers. Il est temps de prévenir (j’ai presque dit d’arrêter) la décadence de la langue et du goût. Quel grand homme prenez-vous pour votre part ? Pour moi, j’ai l’impudence de demander Pierre Corneille. C’est La Rose qui veut parler des campagnes de Turenne. Je vous dirai : Cornelium, Olivete, relegi.


Qui, quid sit magnum, quid turpe, quid utile, quid non,
Planius ac melius Rousseau multisque docebat ;

(Hor, lib. I, ep. ii, 3, 4.)


et j’ajouterai :


Quam seit uterque, libens, censebo, exerceat artem.

(Hor., lib. I, ep. xiv, 44.)

La tragédie est un art que j’ai peut-être mal cultivé ; mais je suis de ces barbouilleurs qu’on appelle curieux, et qui, étant à peine capables d’égaler Person[2], connaissent très-bien la touche des grands maîtres. En un mot, si personne n’a retenu le lot de Corneille, je le demande, et j’en écris à M.  Dnclos. Je crois que

  1. Horace, livre I, l’épître vii, vers 83.
  2. Connu par l’épipramme de J. -B. Rousseau (livre II, xxviii) :
    Gacon, rimailleur subalterne,
    Vante Person le barbouilleur.