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lement. Cela apprendra du moins aux curés du petit pays de Gex à ne point aller battre les femmes chez elles pendant la nuit ; Jésus-Christ ne les battait point ; je me flatte que le parlement de Bourgogne ne souffrira chez les prêtres, ni les billets de confession, ni les coups de bâton[1].

Cependant buvons, mille respects à Mme Le Bault ; et avec les mêmes sentiments, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

4485. — À M.  LE PRÉSIDENT DE RUFFEY[2].
Au château de Ferney, pays de Gex, 8 mars 1761.

Nous travaillons à force, monsieur, pour vous recevoir dans notre petit ermitage de Bourgogne, au mois d’août. Ne vous figurez pas de trouver une maison comme la vôtre, ou comme celle de M.  de La Marche. Ce que mon curé appelle château n’est qu’une très-petite maison, bâtie pour un philosophe et faite uniquement pour des philosophes.

Si vous venez donc avec M.  le président de La Marche, commencez par oublier toutes vos magnificences, et songez que vous allez chez Baucis et Philémon.

La grande affaire du curé de Moëns ne tintera pas sitôt aux oreilles du parlement de Dijon ; il faut auparavant qu’elle étourdisse longtemps les nôtres. Tout le clergé prend part à ce procès ; les curés du pays prétendent qu’ils ont le droit incontestable de donner des coups de bâton aux laïques, et que cela leur fut accordé par le premier concile de Latran. Ils ajoutent que quiconque témoigne contre eux est excommunié ipso facto ; et comme nous sommes dans le saint temps des Pâques, il se pourra bien faire qu’on refuse la communion à tous les mauvais chrétiens qui ont prétendu qu’il n’était pas absolument permis à un curé d’aller assassiner un jeune homme chez une femme pendant la nuit.

Je vous remercie tendrement, en qualité de laïque, de vos bontés pour le pauvre battu.

J’ai été appelé en témoignage sur cette belle affaire. J’avis vu le crâne du jeune homme entr’ouvert ; je l’avais vu pendant

  1. Le commencement de la lettre jusqu’à Cependant paraît avoir été écrit par un secrétaire ; la fin est de la main de Voltaire ; lui-même. (Note du premier éditeur.)
  2. Éditeur, Th. Foisset.