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4475. — DU PÈRE FESSY, JÉSUITE, À M.  LE BAULT[1].
Genève, 25 février 1761.

Monsieur, vous avez vu sans doute un mémoire imprimé, qu’on m’assure être très-répandu à Dijon ; il est date du 30 janvier 1761, et signé Ambroise Decroze père et Joseph Decroze fils, Vachat procureur, de présent à Dijon. Il est fait à l’occasion du procès criminel intenté au sieur Ancian, curé de Moëns, village du pays de Gex, que Decroze accuse d’avoir assassiné son fils, le 28 décembre 1760, chez la veuve Burdet, à Magny, hameau de la paroisse de Moëns.

Je me flatte, monsieur, sur ce que j’ai éprouvé de vos bontés pour moi, lors de l’enregistrement de lettres patentes que je poursuivais à Dijon, en 1758, et que je n’aurais pas obtenu sans vous, je me flatte que vous avez été aussi indigné que fâché de me voir figurer pour ma part dans cet odieux libelle. Je ne doute pas que vos lumières n’aient aisément percé le tissu d’horreurs dans lequel on s’efforce de m’y envelopper.

On a dans ce pays-ci les preuves les plus convaincantes que l’auteur du mémoire est M.  de Voltaire, et il ne s’en cache pas. Je laisse d’abord à part ce qui regarde le curé de Moëns dans ce mémoire : le procès criminel se poursuit, et on prononcera bientôt ; mais souffrez que je vous dérobe quelques moments pour vous exposer ce qui me concerne.

Cet exposé, la réputation que vous avez si bien méritée, et le crédit que vous avez dans votre illustre compagnie et dans tout Dijon, sont ce que je connais de plus propre à dissiper les noires impressions que le mémoire pourrait y avoir fait naître sur ma conduite. D’autant plus que le procès du curé de Moëns, quel que puisse être le jugement du bailliage de Gex, ne manquera pas d’être porté à Dijon, et qu’il y sera sans doute fait quelque mention du mémoire qui parle de moi.

Ce n’est pas que je ne sache bien que, malgré la violence et les déclamations de l’auteur, par lesquelles il veut apparemment s’acquitter d’une partie de ce qu’il doit au Père Berthier, l’auteur du Journal de Trévoux, ma défense, chez tous les gens raisonnables et tant soi peu instruits de notre religion, ne soit très-aisée, très-courte et très-simple. La voici : la fille de Decroze s’est présentée à moi au confessionnal ; je l’ai écoutée, je lui ai dit ce qu’exigeait mon ministère. Je ne sais rien de plus, et n’ai plus rien à dire.

Mais outre cette défense générale et de droit, je vous dois à vous, monsieur, un détail plus circonstancié de ce qui a précédé et accompagné le fait, afin que vous puissiez connaître et embrasser ma cause dans toute son étendue, me plaindre, me défendre, m’honorer de vos conseils.

Indépendamment des motifs anciens et généraux de la haine qu’a pour les jésuites M.  de Voltaire, et des preuves toutes récentes qu’il vient d’en donner à notre maison d’Ornex, au sujet du bien Baltazard, l’affaire qu’il

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey.