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4459. — À CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Ferney, 9 février.

Ce pauvre vieillard suisse, cet homme si trompé dans tous les événements qui arrivent depuis quatre ans, ce solitaire si attaché à Votre Altesse électorale, qui voudrait être à vos pieds, et qui n’y est pas ; cet amateur du théâtre, qui aurait pu entendre les beaux opéras représentés dans le palais de Manheim, et qui peut à peine représenter le rôle du vieillard dans Tancrède chez des Allobroges calvinistes, prend la liberté de mettre aux pieds de Votre Altesse électorale une nouvelle édition de ce Tancrède, dont il eut l’honneur de lui envoyer les prémices. La tragédie présente de l’Europe me fait verser plus de larmes que Tancrède n’en a fait répandre à Paris. On pleure les malheurs publics et les particuliers, et voilà à quoi l’on passe son temps dans le meilleur des mondes possibles. La Jérusalem céleste, où j’aurai l’honneur d’aller tenir mon coin incessamment, nous dédommagera de tout cela, et ce sera un vrai plaisir. Ma vraie Jérusalem serait à Schwetzingen.

Je me mets à vos pieds, monseigneur, avec le plus profond respect.


Le petit Suisse V.

4460. — DE M.  LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Le 11 février 1761.

Je vois, monsieur, par plus d’une preuve, que vous vous intéressez très-vivement au sieur Decroze, et aux excès et mauvais traitements faits à son fils par le sieur Ancian, curé de Moëns. Je ne prends pas moins d’intérêt que vous au sieur Decroze. C’est un très-honnête homme, que je connais et que j’aime depuis fort longtemps. De plus, sa plainte est juste, et le curé veut en vain couvrir ses violences, si extraordinaires, du prétexte de mettre le bon ordre dans sa paroisse. On ne peut assurément plus mal s’y prendre, et ce n’est pas à des remontrances de cette espèce que le fils de Decroze devait être exposé de la part du curé, s’il se trouvait répréhensible pour être allé chez une femme de mauvaise vie, chez qui d’ailleurs il ne se passait en ce moment ni bruit ni scandale. J’ai pris soin de me faire très-bien informer du fait par des personnes impartiales. Je vous dirai même que j’ai vu les informations qui sont les seules choses que les juges écoutent en pareille matière ; et quoique je n’aie pas été fâché d’être instruit de cette manière directe, je

  1. Éditeur, Th. Foisset.