Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tas ; qu’elle fasse dire à Croze père[1] que s’il est assez lâche pour marchander le sang de son fils, il deviendra l’horreur du genre humain.

Qu’on aille chez lui, qu’on l’encourage, qu’il ne rende pas peines inutiles. Cette affaire m’en donne assez. Que le géant Pictet coure à Sacconex, qu’il ait la honte de parler à Croze. Il ne faut pas qu’il épargne l’argent. Un des assassins a plus de dix mille écus de bien ; le curé est très-riche. Il y aura des dédommagements très-considérahlcs.

Corpus poetarum !… Envoyez-le-moi donc.

Au nom du bon goût, Allobroges que vous êtes, forme moins large, marge plus grande pour la prose. Que ces longues lignes pressées font un mauvais effet à l’œil ! Ah ! barbares ! Quand vous aurez fini, gardez-vous bien d’envoyer au roi de Prusse. Laissez-moi ce petit plaisir. Tuus V.

Comment vont les yeux de Mme  Gabriel ?


4425. — À M.  HELVÉTIUS.
Aux Délices, 19 janvier.

Il est vrai, mon très-cher philosophe persécuté, que vous m’avez un peu mis, dans votre livre[2], in communi martyrum ; mais vous ne me mettrez jamais in communi de ceux qui vous estiment et qui vous aiment. On vous avait assuré, dites-vous, que vous m’aviez déplu. Ceux qui ont pu vous dire cette chose qui n’est pas, comme s’exprime notre ami Swift, sont enfants du diable. Vous, me déplaire ! Et pourquoi ? et en quoi ? vous en qui est gratia, fama[3] ; vous qui êtes né pour plaire ; vous que j’ai toujours aimé, et dans qui j’ai chéri toujours, depuis votre enfance, les progrès de votre esprit. On avait comme cela dit à Duclos qu’il m’avait déplu, et que je lui avais refusé ma voix à l’Académie. Ce sont en partie ces tracasseries de messieurs les gens de lettres, et encore plus les persécutions, les calomnies, les interprétations odieuses des choses les plus raisonnables, la petite envie, les orages continuels attachés à la littérature, qui m’ont fait quitter la France. On vend très-bien des terres pendant la guerre, vu que cette guerre enrichit et messieurs les trésoriers de l’extraordinaire, et messieurs les entrepreneurs des vivres, fourrages, hôpitaux,

  1. Il hésitait à signer la requête du 10 janvier.
  2. Voyez la note 2, tome XXXIX, page 559.
  3. Horace, livre I, épître iv, vers 10.