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accordé à mes terres des privilèges que je n’osais demander. Je ne prends la liberté de vous rendre compte de ma situation que parce que vous avez daigné toujours vous intéresser un peu à moi. Je suis si plein de vous que j’imagine que vous me pardonnerez de vous parler un peu de moi-même.

Monsieur le procureur général[1], monsieur, me mande que vous lui avez donné Tancrède à lire. Il est donc aussi Musarum cultor ; mais quel Tancrède, s’il vous plaît ? Si ce n’est pas Mme de Courteilles[2] ou M. d’Argental qui vous a envoyé cette rapsodie, vous ne tenez rien. Il y a une copie absurde qui court le monde : si c’est cet enfant supposé qu’on vous a donné, je vous demande en grâce de le renier auprès de monsieur le procureur général, car je ne veux pas qu’il ait mauvaise opinion de moi ; j’ai envie de lui plaire.

L’affaire du curé de Moëns, pays de Gex, est bien étrange. Quoi ! les complices décrétés de prise de corps, et le chef ajourné !


Tantum relligio potuit suadere…

(Lucrèce. de rerum Nat., lib I, v. 102.)

Agréez le tendre respect et l’attachement jusqu’à la mort de votre vieux camarade.


Voltaire.

4424. — À M. GABRIEL CRAMER[3].

Je vous remercie, caro Gabriele, de vos bontés, et cela bien tendrement.

L’affaire du pauvre Croze est incompréhensible partout ailleurs qu’en France, Un prêtre ! un assassinat prémédité ! Un billet de garantie donné par ce prêtre à ses complices. Il mérite la roue, et il est encore impuni.

y a quinze jours que Decroze est entre la vie et la mort, et son assassin dit la messe ! Le décret n’est point mis à exécution ; on cherche à temporiser, on veut s’accommoder et transiger avec la partie civile.

Que Philibert (Cramer) aille sur-le-champ chez Mme d’Alber-

  1. Quarré de Quintin.
  2. Madeleine Fyot de La Marche, mariée, en 1746, à de Courteilles, alors ambassadeur en Suisse.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.