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M.  de La Marche aura mis plus de vérité, plus de profondeur dans son ouvrage, et moins de bavarderie. Je suis très-désintéressé sur cette matière, car mes terres sont libres et ne payent rien au roi ; mais je n’en gémis pas moins sur le sort de notre petite province de Gex. Les fermiers généraux ont trouvé un beau secret dans ce petit pays-là : celui de réduire à huit mille habitants, seize à dix-sept mille que le pays en contenait il y a quatre-vingts ans ; mais en récompense ils entretiennent dans ce pays de six lieues de long quatre-vingt-douze commis extrêmement utiles à l’État. Que voulez-vous, monsieur ? Il faut bien qu’il y ait scandale en ce monde ; mais malheur à celui par qui vient scandale !

Je viens, moi, de me donner un petit plaisir qui paraît assez scandaleux aux jésuites. Ils avaient usurpé un domaine assez considérable sur six gentilshommes, tous frères, tous officiers, tous en guenilles ; j’ai obligé les révérends pères à déguerpir du patrimoine d’autrui malgré des lettres patentes du roi, entérinées au parlement de Dijon. Frère Berthier ne manquera pas de dire qu’on voit bien que j’ai des sentiments très-dangereux, et que je suis un très-mauvais chrétien.

Je ne sais pas ce qu’est devenu M.  Le Bault : il avait la bonté de me vendre de fort bon vin tous les ans, et il m’abandonne : mais j’ai pris le parti d’en faire chez moi d’assez passable.

Mille respects à Mme  de Ruffey.


4422. — À M.  DAMILAVILLE.
16 janvier.

Mille tendres remerciements à M.  Damilaville pour toutes ses bontés. Voici une petite lettre que je le prie, lui ou M.  Thieriot, de vouloir bien faire parvenir à M.  Dumolard, par cette petite poste si utile au public, et que l’ancien ministère avait rebutée pendant cinquante ans.

Ce M.  Dumolard est un homme que je dois beaucoup aimer, car c’est lui en partie qui nous a procuré Mlle  Corneille. M.  Damilaville et M.  Thieriot peuvent lire ma lettre à M.  Dumolard, et le petit billet de Mlle  Corneille. Ils verront si nous savons élever les jeunes filles.

Je fais une réflexion : M.  Thieriot me mande que le digne Fréron a fait une espèce d’accolade de la descendante du grand Corneille et de L’écluse, excellent dentiste qui, dans sa jeunesse, a été acteur de l’Opéra-Comique. Si cela est, c’est une insolence