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cessons jusqu’à présent de remercier M.  Titon et M.  Le Brun de nous avoir procuré le trésor que nous possédons. Le cœur paraît excellent, et nous avons tout sujet d’espérer que, si nous n’en faisons pas une savante, elle deviendra une personne très-aimable, qui aura toutes les vertus, les grâces et le naturel qui font le charme de la société.

Ce qui me plaît surtout en elle, c’est son attachement pour son père, sa reconnaissance pour M.  Titon, pour M.  Le Brun, et pour toutes les personnes dont elle doit se souvenir. Elle a été un peu malade. Vous pouvez juger si Mme  Denis en a pris soin ; elle est très-bien servie ; on lui a assigné une femme de chambre qui est enchantée d’être auprès d’elle ; elle est aimée de tous les domestiques ; chacun se dispute l’honneur de faire ses petites volontés, et assurément ses volontés ne sont pas difficiles. Nous avons cessé nos lectures depuis qu’un rhume violent l’a réduite au régime et à la cessation de tout travail. Elle commence à être mieux. Nous allons reprendre nos leçons d’orthographe. Le premier soin doit être de lui faire parler sa langue avec simplicité et avec noblesse. Nous la faisons écrire tous les jours : elle m’envoie un petit billet, et je le corrige ; elle me rend compte de ses lectures ; il n’est pas encore temps de lui donner des maîtres : elle n’en a point d’autres que ma nièce et moi. Nous ne lui laissons passer ni mauvais termes ni prononciations vicieuses ; l’usage amène tout. Nous n’oublions pas les petits ouvrages de la main. Il y a des heures pour la lecture, des heures pour les tapisseries de petit point. Je vous rends un compte exact de tout. Je ne dois point omettre que je la conduis moi-même à la messe de paroisse. Nous devons l’exemple, et nous le donnons. Je crois que M.  Titon et M.  Le Brun ne dédaigneront point ces petits détails, et qu’ils verront avec plaisir que leurs soins n’ont pas été infructueux. Je souhaite à M.  Titon ce qu’on lui a sans doute tant souhaité, les années du mari de l’Aurore. Dites, je vous prie, à M.  Le Brun que personne ne lui est plus obligé que moi. On dit que son Ode a encore un nouveau mérite auprès du public par les impertinences de ce malheureux Fréron. Il est pourtant bien honteux qu’on laisse aboyer ce chien. Il me semble qu’en bonne police on devrait étouffer ceux qui sont attaqués de la rage.

Je vous embrasse de tout mon cœur.