Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui sont aujourd’hui servétiens, se sont avisés de faire une cabale très-forte dans le couvent de Genève appelé ville, contre leurs concitoyens qui déshonoraient la religion de Calvin, et les mœurs des usuriers et des contrebandiers de Genève, au point de venir quelquefois jouer Alzire et Mérope dans le château de Tournay en France[1]. J.-J. Rousseau, homme fort sage et fort conséquent, avait écrit plusieurs lettres contre ce scandale à des diacres de l’Église de Genève, à mon marchand de clous, à mon cordonnier. Enfin on a fait promettre à quelques acteurs qu’ils renonceraient à Satan et à ses pompes. Je vous propose pour problème de me dire si on est plus fou et plus sot à Genève qu’à Paris.

Je vous ai déjà mandé[2] que votre ami Necker a demandé pardon au consistoire, et a été privé de sa professorerie pour avoir couché avec une femme qui avait le croupion pourri, et que le cocu qui lui a tiré un coup de pistolet a été condamné à garder sa chambre un mois. Nota bene qu’un cocu assassin est impuni, et que Servet a été brûlé à petit feu pour l’hypostase. Nota bene que le curé que je poursuis pour avoir assassiné un de mes amis chez une fille, pendant la nuit, dit hardiment la messe ; et voyez comme va le monde.

Je vous prie, mon cher frère, de m’écrire quelque mot d’édification, de me mander de vos nouvelles et de celles des fidèles.

Je vous embrasse.

Urbis amatorem Fuscum salvere jubemus
Ruris amatores[3].


4409. — À M. DAMILAVILLE.
9 janvier.

Permettez-vous, monsieur, que j’abuse si souvent de votre bonne volonté ? Vous verrez au moins que je n’abuse pas de votre confiance. Je vous envoie mes lettres ouvertes : il me semble que tout ce que j’écris est pour vous. Nous sommes des frères réunis par le même esprit de charité ; nous sommes le pusillus grex[4]

  1. Tournay appartient au canton de Genève ; depuis le 20 novembre 1815.
  2. Cette lettre manque.
  3. Horace, livre I, épître x, vers 1-2.
  4. Luc, XII, 32.