Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et que ses lignes ne sont point en diagonale comme celles de quelques-unes de nos Parisiennes. Elle lit avec nous à des heures réglées, et nous ne lui laissons jamais ignorer la signification des mots. Après la lecture, nous parlons de ce qu’elle a lu, et nous lui apprenons ainsi, insensiblement, un peu d’histoire. Tout cela se fait gaiement et sans la moindre apparence de leçon.

J’espère que l’ombre du grand Corneille ne sera pas mécontente ; vous avez si bien fait parler cette ombre, monsieur, que je vous dois compte de tous ces petits détails. Si Mlle  Corneille remercie M.  Titon, et tous ceux qui ont pris intérêt à elle, souffrez que je les remercie aussi. J’espère que je leur devrai une des grandes consolations de ma vieillesse, celle d’avoir contribué à l’éducation de la cousine de Chimène, de Cornélie, et de Camille.

Il faut que je vous dise encore qu’elle remplit exactement tous les devoirs de la religion, et que nos curés et notre évêque sont très-contents de la manière dont on se gouverne dans mes terres. Les Berthier, les Guyon, les Gauchat, les Chaumeix, en seront peut-être fâchés ; mais je ne peux qu’y faire. Les philosophes servent Dieu et le roi, quoi que ces messieurs en disent. Nous ne sommes, à la vérité, ni jansénistes, ni molinistes, ni frondeurs ; nous nous contentons d’être Français et catholiques tout uniment. Cela doit paraître bien horrible à l’auteur des Nouvelles ecclésiastiques[1].

Quant à ce malheureux Fréron, dont vous daignez me parler, ce n’est qu’un brigand que la justice a mis au For-l’Évêque, et un Marsyas qu’Apollon doit écorcher. Je vois assez, par vos vers et par votre prose, combien vous devez mépriser tous ces gredins qui sont l’opprobre de la littérature. Je vous estime autant que je les dédaigne.

Votre distinction entre le vrai public et le vulgaire est bien d’un homme qui mérite les suffrages du public ; daignez y joindre le mien, et comptez sur la plus sincère estime, j’ose dire sur l’amitié de votre obéissant serviteur.


Voltaire.

    ma reconnaissance au commencement de l’année, et toutes les années de ma vie. Je vous supplie, monsieur, d’ajouter à toutes vos bontés celle de vouloir bien présenter mes remerciements à M.  Titon, à Mlle  Vilgenou, à M.  Dumolard, et à tous ceux qui ont bien voulu s’intéresser à mon sort. » (Note de Ginguené, éditeur des Œuvres de Le Brun.)

  1. Voyez la note, tome XXI, page 419.