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surtout s’en apercevoir à la page 9 et à la page 32, dans laquelle Orbassan répète à la fin de son dernier couplet, en très-mauvais vers, tout ce qu’il vient de dire eu vers assez passables. M.  de Voltaire a corrigé, avec toute l’attention et tout le soin possibles, toutes les feuilles ; il recommande instamment à M.  Prault de se conformer entièrement à la copie qu’on lui renvoie par M.  d’Argental.

Le libraire a un intérêt sensible à ne point s’écarter du manuscrit ; on peut l’assurer que si les comédiens ne se conforment dans la représentation à la pièce imprimée, cela fera très-grand tort au libraire.

M.  de Voltaire n’est point dans l’usage de faire imprimer les noms des acteurs ; jamais cela ne s’est pratiqué du temps de Corneille et Racine ; il ne met point son nom à la tête de son propre ouvrage, et, par cette raison, il exige absolument qu’on n’y mette pas le nom des autres.

Il ne conçoit pas la crainte que M.  Prault fait paraître de l’édition prétendue des frères Cramer : ils n’ont point la pièce ; ils ne commenceront leur édition que quand M.  Prault aura mis la sienne en vente. Tout Genevois qu’ils sont, ils trouvent très-bon et très-juste que M.  de Voltaire favorise un libraire de Paris pour un ouvrage joué à Paris. M.  Prault demande quelque chose pour ajouter à Tancrède ; Mme  la marquise de Pompadour a désiré qu’on n’y ajoutât rien. Pour faire plaisir à M.  Prault, on lui fera tenir incessamment un morceau curieux[1], historique et littéraire, servant de réponse à un livre anglais dans lequel on a mis la tragédie de Londres infiniment au-dessus de celle de Paris. Le manuscrit qui sert de réponse à l’ouvrage anglais contient une histoire succincte et vraie des théâtres de la Grèce, de l’Italie moderne, de Paris, et de Londres ; l’auteur a été obligé de citer des sermons latins du XVe siècle remplis d’ordures. Ces citations, qui sont nécessaires pour faire connaître l’esprit du temps, ne passeraient point à la censure, mais elles passeront certainement à la lecture ; ainsi M.  Prault ne doit demander permission à personne, ni l’imprimer sous son nom, et il doit garder le secret à celui qui lui fait ce petit présent. M.  Prault s’apercevra bien que l’ouvrage est d’un savant ; ainsi il ne peut être de M.  de Voltaire, qui se donne pour un ignorant.

À propos de censure, M.  Prault est encore prié de ne point mettre à la fin de Tancrède la formule impertinente de la per-

  1. L’Appel à toutes les nations ; Voyez tome XXIV, page 191.