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Entre nous, il m’a passé par les mains des choses bien extraordinaires depuis peu. Je vous réponds de la plus implacable animosité entre le roi de France et le roi de Prusse. On fera plutôt la paix avec les Anglais, à quelque prix que ce soit, qu’avec lui. Il faut ou que ce prince soit écrasé, ou qu’il écrase. Il me mande qu’il croit que cette campagne sera plus meurtrière que l’autre. Il a jeté le fourreau dans la rivière. À moins d’un miracle, nous voilà ruinés.


3838. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
2 mai[1].

Héros du Nord, je savais bien
Que vous avez vu les derrières
Des guerriers du roi très-chrétien,
À qui vous taillez des croupières ;
Mais que vos rimes familières
Immortalisent les beaux cus
De ceux que vous avez vaincus,
Ce sont des faveurs singulières.
Nos blancs-poudrés sont convaincus
De tout ce que vous savez faire ;
Mais les ons, les its, et les us,
À présent ne vous touchent guère.
Mars, votre autre dieu tutélaire,
Brise la lyre de Phébus ;
Horace, Lucrèce, et Pétrone,
Dans l’hiver sont vos courtisans ;
Vos beaux printemps sont pour Bellone :
Vous vous amusez en tout temps.


Il n’y a rien de si plaisant, sire, que le congé[2] que vous m’avez donné, daté du 6 novembre 1757. Cependant il me semble que dans ce mois de novembre vous couriez à bride abattue à Breslau, et que c’est en courant que vous chantâtes nos derrières.

Le bel arrêt[3] du parlement de Paris sur le bon sens philosophique de d’Argens, et sur la Loi naturelle, pourrait bien aussi

  1. Réponse à la lettre du 11 avril.
  2. Il s’agit d’une pièce de vers du roi de Prusse intitulée Congé de l’armée des cercles et des tonneliers. Ce sont les Français que désigne ce dernier mot ; et le nom de tonneliers leur était donné, parce qu’ils avaient avec eux les troupes des cercles d’Allemagne. Le Congé est daté de Freybourg. (B.)
  3. Du 6 février 1759.