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sophes, et si ce Gauchat n’est pas un de ces ânes de Sorbonne qu’on appelle docteurs.

On dit qu’il n’y a pas trop de quoi rire à nos affaires de terre et de mer. Il faut s’égayer avec les lettres humaines et inhumaines, pour ne pas se chagriner des affaires publiques.

Nous avons aux Délices M. le duc de Villars et un marquis d’Argence, grands amateurs de la science gaie. Ce marquis d’Argence vaut un peu mieux que le d’Argens des Lettres juives. Nous jouons la comédie, nous faisons des noces[1]. Mme Denis joue à peu près comme Mlle Clairon, excepté qu’elle a dans la voix un attendrissement que Clairon voudrait bien avoir. Mlle de Bazincourt[2] est une excellente confidente, et vous un grand nigaud, mon cher ami, de n’être pas aux Délices ou à Ferney. Et vale.


4270. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, mardi 23 septembre, à 9 heures du soir.

En arrivant aux Délices, après avoir répété Tancrède sur notre théâtre de Polichinelle, dans le petit castel de Tournay, ô mes anges ! ô madame Scaliger ! je reçois votre paquet. Est-il bien vrai ? est-il possible ? quoi ! vous avez pris cette peine ? vous avez eu cet excès de bonté, de patience ? vous m’avez secouru dans le danger ? Mon cher ange, je savais bien que vous étiez un grand général ; mais Mme d’Argental, Mme d’Argental est le premier officier de l’état-major. Je ne peux entrer ce soir dans aucun détail. La poste part demain matin, et nous jouons demain Tancrède. Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’impatient Prault me mande qu’il va imprimer la pièce ; et moi, je lui demande qu’il s’en garde bien, qu’il ne fasse rien sans vos ordres ; il me couperait la gorge, et à lui la bourse. Mes divins anges, il me faut laisser reprendre mes sens. Je jette les yeux sur la pièce, sur le beau factum de Mme Scaliger ; il faudrait répondre un volume, et je n’ai pas un instant.

Tout ce que je vois en gros, c’est un étranglement horrible. Je cherche en vain, à la fin du troisième acte, un morceau qui nous enlève ici, quand Mme Denis le prononce.


argire.

· · · · · · · · · · comment dois-je te regarder ?
Avec quels yeux, hélas !

  1. Allusion au mariage de Montpéroux.
  2. Demoiselle de compagnie de Mme Denis.