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avez pansé les blessés, et mis les morts au quartier : c’est à vous que la dédicace devrait appartenir.

Mes divins anges, nous jouâmes hier Alzire ; nous allons rejouer Tancrède ; nous sommes à l’abri des cabales, c’est beaucoup. Nos plaisirs sont purs. M.  le duc de Villars, grand connaisseur, nous encourage. Notre théâtre commence à être en réputation. Brioché n’avait pas si bien réussi chez les Suisses. Envoyez-nous donc la pièce telle qu’on la joue à Paris. Vous donnez l’Indiscret[1] ; la pièce n’est-elle pas un peu froide ?


Le comique, écrit noblement,
Fait bâiller ordinairement.


Si Tancrède avait un plein succès, il faudrait hardiment donner la Femme qui a raison : car, qu’elle ait raison ou non, elle est gaie, et la morale est bonne. Il y a beaucoup de coucherie, mais c’est tout en bien et en tout honneur.

Il faudrait que Mme  de Pompadour fût une grande poule mouillée pour craindre ma fière dédicace. Pardon, divins anges, de mon laconisme. Il faut marier demain notre résident[2] de France dans mon petit château de Ferney. Nous sommes occupés à imaginer une façon nouvelle de dire la messe, et je vais répéter deux rôles, Argire et Zopire. La tête me tournera, si je n’y prends garde.

Je baise le bout de vos ailes humblement.


4260. — À MADAME D’ÉPINAI.
20 septembre.

Mille actions de grâces à ma belle philosophe. Nous marions demain Montpéroux à Ferney, et nous avons imaginé une excellente façon de dire la messe. Nous jouâmes avant-hier Alzire, nous jouons demain Tancrède. Mme  Denis est devenue Clairon. Le duc de Villars forme nos acteurs. Il nous est venu un philosophe très-aimable[3] qui a fait cent cinquante lieues pour venir se mettre au fait. Nous l’avons ferré à glace ; il en ferrera d’autres quand il sera de retour. Ma chère philosophe, je vous recommande l’infâme ; il faut lui fermer la porte des honnêtes gens,

  1. Comédie de Voltaire ; voyez tome II. page 243.
  2. Montpéroux, à qui est adressée la lettre 3577.
  3. Le marquis d’Argence de Dirac ; voyez page 182.