Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/549

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4258. — À MADEMOISELLE CLAIRON.
Aux Délices, 19 septembre.

Nous sommes trois que même ardeur excite,
Également à vous plaire empressés ;
L’un vous égale, et l’autre vous imite ;
Et le troisième, avec moins de mérite,
Est plus heureux, car vous l’embellissez.
Je vous dois tout ; je devrais entreprendre
De célébrer vos talents, vos attraits ;
Mais quoi ! les vers ne plaisent désormais
Que quand c’est vous qui les faites entendre.


Celui qui vous égale quelquefois, mademoiselle, c’est M.  le duc de Villars, quand il daigne nous lire quelque morceau de tragédie ; celle qui vous imita parfaitement hier, dans Alzire, c’est Mme  Denis ; et le viel ermite que vous embellissez, vous vous doutez bien qui c’est.

Nous jouâmes hier Alzire devant M.  le duc de Villars ; mais nous devrions partir pour venir voir la divine Aménaïde. Si jamais les pays méridionaux de la France ont le bonheur de vous posséder quelque temps, nous tâcherons de nous trouver sur votre route, et de vous enlever. Nous avons un acteur[1] haut de six pieds et un pouce, qui sera très-propre à ce coup de main. Nous vous supplierons de nous informer du chemin que vous prendrez : car, par la première loi de cette ancienne chevalerie que vous faites réussir à Paris, il est dit expressément qu’aucun chevalier ne violera jamais une infante sans le consentement d’icelle. Comptez que je suis navré de douleur de ne pouvoir jouer le premier rôle dans une telle aventure. Ne comptez pas moins sur l’admiration et le tendre attachement du Claironien et Antifréronien. V.

Mme  Denis et toute la troupe se mettent aux pieds de leur modèle.


4259. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
20 Septembre.

Madame Scaliger, vous êtes divine. Vous nous avez donc secourus dans la guerre ; vous avez payé de votre personne ; vous

  1. Le Genevois Pictet, que Voltaire appelle son cher géant.