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encore assez pour que le public ait quelques reproches à lui faire sur sa conduite et sur ses œuvres. Il me semble qu’il s’est fait son procès lui-même. Le pis de la chose, c’est qu’il croit sa pièce bonne, parce qu’elle n’est pas absolument mal écrite ; il ne sait pas encore qu’il faut être ou plaisant ou intéressant.

On m’a parlé d’une Lettre au vieux Stentor-Astruc, qu’on dit qui fait crever de rire ; j’espère que le fidèle Thieriot me l’enverra. Adieu, mon grand et charmant philosophe ; quoique j’aie dit à Palissot que vous m’écrivez quelquefois des lettres de Lacédémonien[1], je voudrais que vous fussiez avec moi le plus diffus de tous les hommes.

Il faut que vous me fassiez un plaisir essentiel ; je veux finir ma vie par le supplice que demandait Arlequin[2] : il voulait mourir de rire. Engagez l’ami Thieriot ou le prêtre de Baal, Mords-les, à me donner les éclaircissements suivants, que je demande.

Quelques anecdotes vraies sur Gauchat et Chaumeix ; quels sont leurs ouvrages, le nom de leurs libraires ; le catalogue des œuvres de l’évêque du Puy, Pompignan, en recommandant à l’ami Thieriot de m’envoyer la Réconciliation[3] de la piété et de l’esprit ; le nom de la maq… nommée par l’archevêque[4] pour directrice de l’hôpital ; le nom du magistrat qui a le plus protégé en dernier lieu les convulsionnaires ; le nom du révérend père jésuite du collège de Louis le Grand, qui passe pour aimer le plus tendrement la jeunesse. J’attends ces utiles mémoires pour mettre au net une Dunciade : cela m’amuse plus que Pierre le Grand. J’aime mieux les ridicules que les héros. Le conte du Tonneau a fait plus de mal à l’Église romaine que Henri VIII.

Luc périra. C’est bien dommage que Luc ait voulu faire le roi ; il ne devait faire que le philosophe.

Je viens de lire le passage d’un jacobin ; le voici : « Le prêtre qui célèbre fait beaucoup plus que Dieu n’a fait : car celui-ci travailla pendant sept jours à faire des ouvrages de boue ; l’autre engendre Dieu même, la cause des causes, etc. » Ce passage est de frère Alain de La Roche[5], in Tractatu de Dignitate

    sans sa permission. Mais si, par convenance ou autre raison, il a remplacé quelques passages par des points, il n’avait pourtant pas altéré le texte. (B.)

  1. Voyez l’avant-dernier alinéa de la lettre 4143.
  2. Dans Arlequin empereur dans la Lune, comédie de Fatouville.
  3. Voyez la lettre du 24 février 1759.
  4. Christophe de Beaumont.
  5. On lit dans le Moréri de 1759 que ce religieux, mort en 1474, ne laissa