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manche ou ailleurs, et je réponds du succès. On s’est déjà ameuté sur mes pressantes sollicitations. Travaillez sous terre, tous tant que vous êtes. Ne perdez pas un moment ; ne négligez rien. Vous porterez à l’infâme un coup mortel, et je vous donne ma parole d’honneur de venir à l’Académie le jour de l’élection. Je suis vieux ; je veux mourir au lit d’honneur.

Ma belle philosophe, voici une autre histoire, une autre négociation. N’est-ce pas M. Faventines[1] qui a le département du domaine ? M. d’Épinai ne peut-il pas, quand il rencontrera ce terrible Faventines au conseil des fermes, lui dire : « Monsieur, ne savez-vous rien de nouveau sur le pays de Gex ? Ne vous a-t-on rien dit touchant certains arrangements avec le roi ? N’a-t-il rien transpiré ? » Alors M. Faventines dira oui ou non ; et ce oui ou ce non, vos belles mains me l’écriront.

Mais qu’il entre, qu’il entre, qu’il entre à l’Académie. J’ai cela dans la tête, voyez-vous ! Ma belle philosophe, je vous ai dans mon cœur ; il est vieux, mon cœur, mais il rajeunit quand il pense à vous. Qu’il entre, vous dis-je ; tel est mon avis, et qu’on ruine Carthage, disait Caton, qui n’était pas si vieux que moi.

Ô belle philosophe ! ô Habacuc ! je vous salue en Belzébuth.


4224. — À M. THIERIOT.
Le 11 auguste ; fi ! que août est barbare !

À peine eus-je écrit à l’ancien ami pour avoir des nouvelles, que Dieu m’exauça, et je reçus sa lettre du 30 juillet, dans laquelle il me parlait de la libération de l’abbé Mords-les, et de l’Ecossaise, et de Catherine Vadè, et d’Alethof, etc. M. d’Argental est celui qui a le plus contribué[2] à nous rendre notre Mords-les. J’ai écrit tous les jours de poste, j’ai toujours été la mouche du coche ; mais je bourdonne de si loin qu’à peine m’entend-on.

Oui, j’ai mon Moïse complet. Il a fait le Pentateuque comme vous et moi ; mais qu’importe ? ce livre est cent fois plus amusant qu’Homère, et je le relis sans cesse avec un ébahissement nouveau.

Vous auriez bien dû cependant m’envoyer l’édition de mon

  1. Fermier général, comme le mari de Mme d’Epinai.
  2. J.-J. Rousseau y avait contribué aussi par la duchesse de Luxembourg ; mais il paraît que l’accélération de la mise en liberté de Morellet (le 30 juillet) fut due particulièrement à un de ses cousins, ancien camarade de collège du lieutenant général de police de Sartine. — Voyez l’Histoire de la détention des Philosophes, par J. Delort, tome II, page 336.