Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/510

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait. Ce drôle-là ne manque pas d’esprit, et a même quelque talent ; mais c’est un calomniateur que mon cher Palissot, un misérable, et j’ai l’honneur de l’en avertir assez gaiement, autant que je peux m’en souvenir. Ma dernière lettre à ce cher Palissot était toute chrétienne.

Je doute fort que M.  de Malesherbes me rende d’importants services. Un folliculaire qui fait la feuille intitulée l’Avant-Coureur, nommé Jonval[1] demeurant quai de Conti, m’a mandé qu’on lui avait donné l’Oracle des nouveaux philosophes à annoncer. Vous savez ce que c’est que cet oracle ; pour moi, j’en ignore l’auteur[2]. Mon divin ange, vous me feriez plaisir de me faire connaître ce bon homme ; je lui dois au moins un remerciement. Ce Jonval l’annonçait donc, et en même temps le dénonçait aux honnêtes gens comme un plat libelle. Il prétend que son censeur, qu’il ne nomme pas, lui a rayé son annonce, et lui a dit : « Si vous tombez sur V., on vous en saura gré ; mais si vous voulez défendre V., on ne vous le permettra pas. » Or, mon cher ange, vous saurez que V. se moque de tout cela, qu’il rit tant qu’il peut, et que, s’il digérait, il rirait bien davantage. Ô ange ! V. baise le bout de vos ailes avec plus de dévotion que jamais.


4221. — À M.  DE CHAUVELIN[3].
10 août 1760.

Monsieur l’intendant du peu de finances qui restent à ce pauvre et plaisant royaume saura que mon cousin Vadé s’occupe très-peu des niaiseries dont il est soupçonné de s’occuper beaucoup.

Mon cousin Vadé emploie sa vieillesse à cultiver la terre, à défricher deux lieues incultes, à dessécher des marais. Il se sert du semoir avec succès. Il se sert du van cribleur, qui vanne et qui crible cinq septiers de blé par heure. Il bâtit une église ; il est béni de ses curés et de ses vassaux, qui ne lisent ni Fréron, ni Palissot, ni les Qui ni les Quand, ni le Russe, ni le Pauvre Diable, ni l’Écossaise. Il paye le vingtième trois mois d’avance ; il aime l’État ; il croit qu’un homme qui fait lever cinq épis de blé où il

  1. Le journal intitulé la Feuille nécessaire, publié en 1759 par Boudier de Villemert et Soret, fut continué de 1760 à 1773, sous le titre de Avant-Coureur, par Querlon, Jonval, Boudier de Villemert, Lacombe et Ladixmerie.
  2. C.-M. Guyon, mort en 1771 ; voyez tome XXVI, page 157.
  3. Éditeurs, Bavoux et François.