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le premier.

En jurerais-tu ?

le second.

Très-bien.

le premier.

Encor, n’en croirai-je rien
Qu’un louis il ne m’en coûte :
Le voilà. Gageons.

le second.

Écoute,
Je te l’avouerai tout bas :
J’en jurerais bien sans doute ;
Mais je ne gagerais pas.

Vous voyez bien que le bon mot est de vieille date, d’autant plus qu’il n’est pas de moi, et que ceux dont je le tenais le tenaient d’autres, et de même en remontant jusqu’où on voudra. Mais que fera cette épigramme à Voltaire. 1° Ce n’est pas d’aujourd’hui que le geai brille sous les plumes du paon. Il en est paré de la tête à la queue. En deuxième lieu, les trois quarts et demi de ceux qui la verront la croiront faite depuis l’Écossaise, qui, de son côté, n’est pas plus à lui que le bon mot.

Il ne tiendrait qu’à vous-même, si vous ne vous y connaissiez pas mieux qu’un autre, ; de croire que je l’ai faite de ce matin ; mais outre que vous savez ma franchise, et que vous vous fiez, je crois, à ce que je vous en dis, vous devez sentir les difficultés vaincues, et que ça n’a pas été un éternument. Quant aux autres épigrammes dont vous me parlez, je vous avouerai que j’en ai éternué trois en riant ; une au sortir de l’Écossaise, où j’appris que celui qui y est offensé s’était contenté de dire : « N’y a-t-il pas bien de l’esprit à dire de quelqu’un qu’il est un fripon ? » Je ne fus pas content de cette retenue. Il me sembla qu’il aurait dû et pu mieux ou plus dire ; sur quoi j’écrivis au dos d’une carte :

Ce jour, sur la scène française
Le pauvre diable de Fréron,
Dans la pièce de l’Écossaise
S’entendant traiter de fripon,
Dit : « Peut-être oui, peut-être non ;
Messieurs, restez sur le peut-être.
Mais le trait n’est pas d’un grand maître,
Surtout pour un qui s’y connaît :
Car il faut plus d’esprit pour l’être
Que pour dire que quelqu’un l’est. »

Je n’offense pas là un des deux : il ne s’agit que du plus ou moins d’esprit, et le hic est que Voltaire en ait ici le moins. L’épigramme suivante