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et sa conduite seront mieux connus. Je voudrais que dans ces visites il désarmât les dévots et ameutât les sages. Il dirait en public qu’il ne prétend rien ; il aurait au moins une douzaine de voix, ce serait un triomphe préliminaire. Il y a plus ; il se peut que Mme  de Pompadour le soutienne, qu’elle s’en fasse un mérite et un honneur, qu’elle désabuse le roi sur son compte, et qu’elle se plaise à confondre une cabale qu’elle méprise.

Je suis encore assez impudent pour en écrire à Mme  de Pompadour, si vous le jugez à propos ; et elle est femme à me dire ce qu’elle peut et ce qu’elle veut.

C’est donc à vous, mon cher philosophe, à préparer les voies, à être le vrai protecteur de la philosophie. Mettez-vous deux ou trois académiciens ensemble, prenez la chose à cœur ; si vous ne pouvez pas obtenir la majorité des voix, obtenez-en assez pour faire voir qu’un philosophe n’est point incapable d’être de l’Académie dont vous êtes. Il faudrait, après cela, le faire entrer dans celle des sciences.

Le cousin Vadé, le sieur Alethof, le frère de la Doctrine chrétienne[1], n’ont rien à se reprocher : ils ont fait humainement tout ce qu’ils ont pu pour rendre les ennemis de la raison ridicules ; c’est à vous à rendre la raison respectable. Tâchez, je vous en conjure, d’être de mon avis sur la démarche que je vous propose ; vous la ferez avec prudence : elle ne peut faire aucun mal, et elle fera beaucoup de bien.

Serait-il possible que cinq ou six hommes de mérite qui s’entendront ne réussissent pas après les exemples que nous avons de douze faquins[2] qui ont réussi ? Il me semble que le succès de cette affaire vous ferait un honneur infini. Adieu ; je recommande surtout la charité aux frères, et l’union la plus grande ; je vous estime comme le plus bel esprit de la France, et vous aime comme le plus aimable.


4201. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
À Ferney, 25 juillet.

Mon cher ange saura d’abord que toute ma joie est finie. Nous sommes plus battus dans l’Inde qu’à Minden. Je tremble que Pondichéry ne soit flambé. Il y a trois ans que je crie : Pondichéry,

  1. Noms sous lesquels Voltaire publia le Pauvre Diable, le Russe à Paris, et la Vanité; voyez tome X.
  2. Les douze apôtres. (B.)