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Je signe V., et Mme  de Sévigné devrait signer B. : car on est quelquefois embarrassé à reconnaître l’écriture, et cela peut produire des méprises.


4198. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
Paris, 23 juillet 1760.

Je pourrais vous dire que (vanité à part) je ne suis pas parfaitement contente de vous. D’où vient ne m’avoir pas envoyé la Vanité ? Je l’ai trouvée charmante ; je ne doute pas qu’elle ne soit de vous, et le Pompignan y est encore mieux traité que dans les deux autres pièces. Ce pauvre homme vous devra toute sa célébrité ; sans vous, on n’aurait fait que bâiller en parlant de lui et en lisant ses ouvrages ; il a mérité le traitement qu’il éprouve. Passe pour être fat, mais hypocrite et méchant, c’est trop ; le voilà écrasé sous les montagnes de ridicule que vous entassez sur lui : sa naissance et sa dévotion ne lui feront pas tenter d’escalader ni le ciel ni la cour. Dieu le bénisse ! c’est un sot et un froid personnage.

Je ne sais pas lequel j’aime le mieux de votre Russe, ou de votre Pauvre Diable : celui-ci est plus plaisant, l’autre est plus noble ; je suis fort contente de l’un et de l’autre.

Venons au procès que vous me faites. J’étais en colère contre vous, et, au lieu de remerciements, vous n’auriez eu que des reproches, parce que j’appris que vous envoyiez à toutes sortes de gens toutes sortes de nouveautés ; mon amitié en fut blessée ; je vous trouvai coupable du crime d’Ananie et de Saphire ; vous mentiez au Saint-Esprit, et, ne pouvant pas vous punir de mort subite, je pris la résolution de ne plus vous écrire. Cela me coûtait beaucoup, et vous pouvez en juger, puisqu’à la première agacerie je suis revenue tout courant à vous.

Je vous aime beaucoup, monsieur, parce que personne en vérité ne me plaît autant que vous, et je suis bien sûre que vous ne plaisez à personne autant qu’à moi.

On vous a donc bien dit du mal de moi ? Je passe donc dans votre esprit pour l’admiratrice des Fréron et des Palissot, et pour l’ennemie déclarée des encyclopédistes ?. le ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité.

Vous me demandez ma confession et vous me promettez votre absolution. Apprenez donc que je ne me suis point jointe à Mme  de Robecq, qu’à peine je la connaissais, et que je n’ai jamais eu le désir de la connaître davantage. J’ai fort blâmé sa vengeance et le choix de ses vengeurs. J’ai été bien aise du peu de succès de sa comédie, et de la maladresse de son auteur ; il n’a pas su rendre ridicules les gens qu’il voulait peindre, il a manqué son objet ; en les attaquant sur l’honneur et la probité, il ne leur a

  1. Correspondance compléte de la marquise du Deffant, publiée par M.  de Lescure ; Paris, 1865.